vendredi 10 avril 2009

Contraintes du tournage et choix techniques


Le tournage s’est déroulé durant l’été 2007 dans un collège voisin du collège Dolto. Les scènes de classe nécessitaient une grande souplesse en ce qui concerne la prise de vue. Il fallait pouvoir aller chercher toutes les situations d’improvisation potentielle au milieu de la classe, être très réactif et capable de tout capter. Le choix de la HD s’est donc immédiatement imposé, ainsi que celui de tourner avec trois caméras en continu, une sur le professeur, les deux autres sur les élèves.
Laurent Cantet a donc expérimenté pour la première fois la souplesse du tournage en HD (vidéo numérique Haute Définition). Chez « Haut et Court », Carole Scotta, la productrice des films de Cantet depuis Les Sanguinaires en 1997, précise : « Pour nous, c’était l’idéal car il n’y avait pas d’extérieurs qui sont plus compliqués à tourner en HD. D’ailleurs, pour la partie du film que nous avons tourné au Mali et que nous n’avons pas montée, nous avons tourné en Super 16.» Laisser tourner les trois caméras pendant parfois plus de vingt minutes, sans avoir à recharger les magasins donnent une immense liberté, une fluidité et la possibilité de laisser surgir les improvisations des acteurs non- professionnels.
Laurent Cantet explique les raisons qui ont motivé son choix de la HD : « Je voulais que le tournage poursuive le travail d'improvisation des ateliers, avec la même liberté. La vidéo (haute définition) était donc indispensable. Je l'avais constaté pour Ressources
humaines, le coût et la lourdeur du 35mm laissent peu de marge à l'improvisation ; du coup, les choses s'étaient un peu fossilisées au moment du tournage. Pour Entre les murs, je voulais au contraire pouvoir tourner en continuité pendant vingt minutes, même quand il ne se passait
rien, parce que je savais qu'il pouvait suffire d'une phrase pour que cela reparte. »
« J'ai été très vite persuadé que le dispositif exigeait trois caméras : une première, toujours sur le prof ; une seconde, sur l'élève qui devait porter la scène que nous tournions ; et une troisième pour s'autoriser des digressions : une chaise en équilibre sur un pied, une fille qui coupe les cheveux de sa copine, un élève qui rêve puis se raccroche tout d'un coup au cours - les détails du quotidien d'une classe que nous n'aurions jamais pu reconstituer. Mais elle devait aussi pouvoir anticiper les prises de parole, les micro-événements susceptibles de faire basculer une scène. La salle de classe où nous avons tourné était carrée, nous l'avons transformée en salle rectangulaire, en ménageant un couloir technique de deux ou trois mètres. Les trois caméras étaient donc du même côté, avec une orientation toujours identique : le prof à gauche, les élèves à droite : on est donc très rarement dans l'axe des regards. L'idée était de filmer les cours comme des matches de tennis - ce qui exigeait de mettre le prof et les élèves à égalité. J'étais face à mes trois moniteurs, et je soufflais aux cameramen d'aller voir ici où là parce qu'il me semblait qu'il allait s'y passer quelque chose. Avec François [Bégaudeau], nous avons petit à petit appris à différer légèrement le moment où quelqu'un allait prendre la parole de manière intempestive, le temps que la caméra soit prête. »
L’utilisation du numérique est ici pour Laurent Cantet un moyen de se rapprocher le plus possible de son sujet, et un moyen de filmer plus longtemps sans coupure. La texture des images numériques fait penser aux images de reportage en direct de la télévision. Le spectateur reçoit alors des images de façon plus directe et plus frontale qu’avec les images tournée en argentique dont le grain et la texture induisent une distance. Par la nature même de la caméra choisie, la fiction se rapproche du documentaire. Un des premiers cinéastes à avoir fait ce choix de la caméra numérique au cinéma dans cette perspective artistique est le danois Thomas Vinterberg en 1998 avec Festen.
En outre le choix des caméras multiples qui tournent simultanément rappelle aussi le dispositif télévisuel, que Jean Renoir avait également choisi dès 1959 pour les tournages du Testament du docteur Cordelier, et pour le Déjeuner sur l’herbe.

Pierre Milon, le directeur de la photographie raconte qu’il a effectué des essais avant le tournage. D’abord il a testé des petites et légères caméras HVX 200 Panasonic. Mais il s’est rendu compte que le rendu était inférieur à celui des grosses caméras Varicam de Panasonic. Ces dernières sont supérieures dans la précision du point, dans la qualité des flous. En outre elles offrent un excellent rendu des visages des élèves, aux carnations toutes très différentes. Et après le retour 35 mm, les tons de peau étaient vraiment agréables.
Les caméras Varicam de Panasonic sont souvent utilisées quand le réalisateur fait le choix de la HD. Elles sont en effet conçues pour imiter la qualité cinéma, et cela grâce au fait que l’on peut varier la vitesse (les images par secondes). Leur coût d’utilisation étant faible, les Varicam sont très populaires parmi les cinéastes indépendants. Elles sont aussi largement utilisées dans la production télévisuelle.
Le film a donc été tourné avec les Varicam, et entièrement à l’épaule, ce qui a été très physique pour les cadreurs, vu le poids de la Varicam avec le zoom. Pierre Milon raconte : « Pour faciliter les choses, j’ai fait fabriquer des petites chaises à roulettes (avec des roulettes de " roller skate ") ce qui nous permettait de naviguer très vite dans la salle de classe. On pouvait changer d’axe tout en restant perpétuellement à la hauteur des élèves. Le film a fait souvent appel au gros plan, en longue focale (…). Chaque cadreur s’occupait donc lui-même de la mise au point, et allait chercher au zoom telle ou telle réaction, telle ou telle expression… » Le dispositif des petites chaises à roulettes a pour effet de donner au spectateur l’impression du documentaire, c’est-à-dire d’assister à quelque chose d’enregistré sur le vif. Il lui semble être un observateur dans la classe, assis parmi les élèves. Et effectivement les cadreurs, mêmes mobiles, sont assis parmi les élèves. De plus la HD numérique donne davantage de profondeur de champ. Une caméra pellicule, surtout en longue focale, aurait impliqué une profondeur de champ plus faible. La HD hiérarchise moins les éléments dans l’image, elle n’isole pas. Dans Entre les murs, on voit aussi bien le personnage qui parle au centre de l’image, que l’élève assis au tout premier plan, que l’élève du dernier rang, et que même le mur du fond.


Tout un mur de la classe étant occupé par des fenêtres, il a fallu équiper celles-ci de filtrages qui étaient changés selon la météo. Ainsi les surexpositions ont été évitées. De plus le plafond la salle de classe a été tapissé de tubes fluorescents, ce qui a permis de varier très vite l’intensité et de s’adapter aux conditions de lumière.

L’étalonnage des couleurs a été relativement long (trois semaines), vu le caractère naturaliste du tournage, quasiment en lieu unique. Mais il faut admettre qu’avec le numérique, les possibilités de correction sont tellement énormes qu’on peut être tenté de pousser très loin le contrôle de l’image. « Le problème, poursuit Pierre Milon, c’est qu’on s’arrête parfois plusieurs heures sur une image, en étant tenté par telle ou telle nuance sur des teintes de chair, sans s’apercevoir que c’est une option qui ne tiendra pas sur l’ensemble de la séquence. Cette méthode est très différente de ce qu’on faisait en étalonnage classique, avec des bobines dans leur continuité, sans s’arrêter sur chaque plan. »
Le retour 35 mm, c'est-à-dire le transfert des images vidéo sur pellicule 35 mm pour une exploitation en salle traditionnelle, a donné une énorme satisfaction à l’équipe technique, aussi bien pour les copies films que les copies numériques.
L’ensemble de ces choix techniques (choix d’une caméra numérique, dispositif à trois caméras placées au niveau des élèves) a pour conséquence majeure une impression de réalité appuyée. Et dès sa sortie, en effet, ELM a soulevé la question du réalisme. Pourtant le film s’affiche explicitement comme une fiction, une histoire individuelle, représentative d’une certaine réalité certes, mais une histoire inventée.

DECOUPAGE D’ENTRE LES MURS

  1. A l’extérieur du collège. François Marin prend un café au comptoir d’un bar, puis traverse la rue et rejoint deux collègues qui entrent dans le collège. 00 :00 à 01 :17
  2. Intérieur du collège, escaliers et couloirs, puis salle de réunion où les personnels du collège se présentent les uns aux autres le jour de la prérentrée. 01 :17 à 04 :09
  3. Dans la classe (I), François accueille ses élèves le jour de la rentrée des classes. Premiers contacts : « Les capuches s’il vous plaît ». « Le temps qu’on perd sur 55 minutes ». Les élèves inscrivent leur prénom sur une feuille. Premières contestations de Khoumba et Esméralda. 04 :09 à 07 :14
  4. Dans la salle des profs (I), petits gâteaux du premier jour. 07 :14 à 07 :49
  5. Dans la classe (II), séance de vocabulaire. Contestations de Khoumba et Esméralda au sujet des prénoms qu’utilise le professeur dans ses exemples. 07 :49 à 12 :54
  6. Dans la salle des profs (II), Frédéric, le prof d’histoire propose à François de « faire des ponts » entre leur cours. Deux conceptions différentes d’enseigner se dessinent. 12 :54 à 14 :04
  7. Dans la classe (III), séance sur la conjugaison de l’imparfait. Contrôle écrit. Stylo qui fuit. Questions sur l’imparfait du subjonctif. « L’important c’est de maîtriser les différents registres. » Souleymane interroge le professeur sur son éventuelle homosexualité. 14 :04 à 22 :18
  8. Dans la cour de récréation (I), Souleymane prend des photos avec son téléphone. 22 :18 à 22 :59
  9. Dans la classe (IV), conjugaison du verbe croître. Justine conjugue au tableau. Rabah tente de la corriger. Khoumba : « Eh, mais vous charriez trop ! ». Comportement des élèves de plus en plus désagréable pour l’enseignant. 22 :59 à 25 :15
  10. Dans la salle des profs (III), Vincent, le prof de techno, craque devant ses collègues interloqués et muets de gêne. 25 :15 à 26 :59
  11. Dans la classe (V), lecture du Journal d’Anne Frank. Khoumba refuse de lire et s’entête dans son refus. François est déstabilisé. Lecture par Esméralda. Lancement du travail d’écriture d’autoportraits. Les élèves exposent leurs difficultés, s’expriment sur la honte. Angélica met en doute la sincérité de l’intérêt que leur montre le professeur. Après la fin du cours, François sermonne et punit Khoumba dont il exige des excuses de façon autoritaire. Une fois seul, exaspéré, il renverse sa chaise. 26 :59 à 40 :13
  12. Au CDI, conseil d’administration sur le permis à point, la machine à café. François et le prof d’histoire opposent deux conceptions différentes de l’éducation. 40 :13 à 45 :12
  13. Couloirs et salle des profs (V), le même soir. Les femmes de ménage quittent la salle des profs quand François y pénètre. Il trouve dans son casier la punition de Khoumba sur le respect. Voix off : Khoumba lit son texte sur le respect. 45 :12 à 45 :51
  14. Dans la classe (VI), même voix off que précédemment. Travail de rédaction des autoportraits. Fin de la voix off. François remarque qu’Esméralda a quitté sa place près de Khoumba. Lecture des autoportraits. Esméralda veut être policier ou rappeuse. François félicite Wei pour son travail. Souleymane exhibe son tatouage. Arrivée du principal qui amène un nouvel élève, Carl. Après la fin du cours, François prend le temps d’accueillir Carl. 45 :51 à 56 :10
  15. Dans la classe (VII), réunion parents-professeurs. Un autre jour, François reçoit les parents de Wei, le père de Nassim, la mère d’Arthur, de Burak, de Souleymane. Espoirs et incompréhensions. 56 :10 à 01 :02 :23
  16. Dans la salle informatique, pendant que ses camarades tapent leurs autoportraits Souleymane mets en page et légende ses photos. François satisfait du travail de Souleymane affiche ses photos. 01 :02 :23 à 01 :07 :38
  17. Dans la classe (VIII), Carl devant le tableau lit son autoportrait. 01 :07 :38 à 01 :08 :48
  18. Dans la salle des profs (VI), Julie la CPE annonce que la mère de Wei sans papier risque d’être expulsée. Indignation et mobilisation des enseignants. Anne annonce qu’elle est enceinte. « Je souhaite deux choses : la première chose c’est que la maman de Wei reste en France. Et la deuxième : que mon enfant soit aussi intelligent que Wei. » 01 :08 :48 à 01 :11 :39
  19. Dans la cour de récréation (II), Wei participe à une partie de foot. Carl et Souleymane s’affrontent. 01 :11 :39 à 01 :12 :42
  20. Dans la classe (IX), exercices oraux d’argumentation. Prises de parole au tableau sur le foot, le look gothique, et encore le foot. Vulgarités de Souleymane qui finit par tutoyer François. François l’emmène. 01 :12 :42 à 01 :18 :07
  21. Dans les couloirs et le bureau du principal, immédiatement après. « Je vous amène un élément perturbateur qui s’est permis de me tutoyer en cours. » 01 :18 :07 à 01 :19 :51
  22. Conseil de classe. Les déléguées Louise et Esméralda ont un fou rire. Au sujet de Souleymane, François et le prof d’histoire s’opposent encore une fois sur leurs méthodes. François a une parole malheureuse sur Souleymane « scolairement limité ». 01 :19 :51 à ­01 :26 :12
  23. Dans la classe (X), le lendemain : séance de poésie. Rabah interrompt le cours avec sa moyenne trimestrielle. Souleymane poursuit l’évocation du conseil de classe. Les déléguées répètent les paroles de François sur Souleymane. François déstabilisé, évoque l’« attitude de pétasse » de ces dernière la veille. Indignation de la classe. Souleymane tutoie et menace François. Il quitte violemment la classe. Khoumba est blessée. ­01 :26 :12 à 01 :32 :06
  24. Dans la salle des profs (VII) et le bureau du principal, le même jour, François rédige un rapport qu’il remet au principal. Souleymane risque de subir un conseil de discipline. 01 :32 :06 à 01 :33 :16
  25. Dans les escaliers, Julie la CPE annonce à François qu’Esméralda et Louise se plaignent d’avoir été insultée en classe par leur professeur. François reconnaît les faits. 01 :33 :16 à 01 :34 :24
  26. Dans la cour de récréation (III) et dans les escaliers, immédiatement après, François interpelle Louise et Esméralda. Explications embarrassées sur la signification du mot pétasse devant les élèves qui se pressent autour de lui. Evocation du conseil de discipline de Souleymane que les élèves semblent défendre. Carl : « les profs qui excluent les élèves, c’est des enculés. »Le ton monte. François part. Khoumba le rattrape dans les escaliers pour lui expliquer qu’en cas d’exclusion du collège, Souleymane risque d’être exclu de France. 01 :34 :24 à 01 :38 :04
  27. Dans le réfectoire, François seul fume une cigarette et se fait réprimander par la cuisinière. 01 :38 :04 à 01 :38 :39
  28. Dans la salle des profs (VIII), discussion sur les conseils de disciplines et leurs issues systématiques, l’exclusion. François expose ses problèmes de conscience. Les enseignants doivent-ils prendre en compte le renvoi de Souleymane au Mali ? 01 :38 :39 à 01 :43 :17
  29. Dans la cour (IV), dans les escaliers, dans le bureau du principal (II), dans la salle des profs (IX) : François se décide finalement à convoquer un conseil de discipline pour Souleymane. Il doit récrire son rapport d’incident en incluant l’épisode de son dérapage verbal. 01 :43 :17 à 01 :45 :14
  30. Au CDI (II), dans le hall, puis la cour (V) le jour du conseil de discipline. La mère de Souleymane, qui ne parle pas français, défend son fils qui doit traduire ses paroles. Finalement Souleymane est exclu définitivement du collège. Lui et sa mère traverse une dernière fois la cour et quitte le collège. 01 :45 :14 à 01 :53 :30
  31. Dans la classe (XI), le dernier jour de l’année, les élèves énoncent ce qu’ils ont appris et ce qui les a intéressés cette année dans toutes les matières. Esméralda fait le compte-rendu de sa lecture personnelle de La République de Platon. François distribue les autoportraits. A la fin de l’heure, Henriette avoue à François qu’elle n’a rien appris et qu’elle ne comprend rien à l’ensemble des matières. 01 :53 :30 à 02 :00 :31
  32. Dans la cour de récréation (VI), élèves et professeurs disputent amicalement un match de foot. 02 :00 :31 à 02 :01 :24
  33. Dans la salle de classe (XII), les chaises vides sont dérangées. On entend les cris du match. 02 :01 :24 à 02 :01 :51
  34. Générique, lettres blanches sur fond noir. Bruits lointains du match, puis de la rue. 02 :01 :51 à 02 :04 :00

le jeune cinéma français

Laurent Cantet fait partie des jeunes auteurs d’aujourd’hui qui réalisent en France des films de qualité, et que René Prédal regroupe sous le nom de « jeune cinéma français » , comme premier mouvement esthétique d’envergure depuis la nouvelle vague.
Tout d’abord Laurent Cantet, comme beaucoup de ces jeunes cinéastes est issu de la prestigieuse IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques à Paris), aujourd’hui devenue FEMIS (école nationale supérieure des métiers de l’image et du son). Entrant dans l’avant dernière promotion de l’IDHEC en 1984, il croise des anciens comme Arnaud Despleschin, et noue des liens solides d’amitiés et de collaboration avec Vincent Dietschy (Didine, 2008), Thomas Bardinet (Les âmes câlines, 2001), Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien, 2000), Gilles Marchand (Qui a tué Bambi?, 2003), Robin Campillo (Les revenants, 2004, et coscénariste et monteur d'Entre les murs), Pierre Milon (opérateur de tous les films de Cantet de Tous à la manif jusqu’à ELM). René Prédal remarque qu’un phénomène de promotion et de réseau, un peu semblable à celui de l’ENA, s’effectue à l’IDHEC-FEMIS. Des affinités sont favorisées par le biais des exercices d’école. « En outre, ces anciens élèves ont fréquenté les mêmes films analysés par les mêmes enseignants, chercheurs, critiques et professionnels, tous théoriciens ou praticiens d’un cinéma d’auteur aux critères davantage artistiques que techniques, spectaculaires ou commerciaux. » « C’est une école d’artistes, poursuit-il, plus que de professionnels, préparés à former le club très fermés des auteurs réalisateurs et non à devenir les metteurs en scène des idées des autres ou les artisans des films de genre initiés par la télévision. » En ce qui concerne Laurent Cantet, on peut affirmer qu’il aime à travailler avec une équipe à laquelle il reste fidèle. Cette équipe est constituée des mêmes coscénaristes (Gilles Marchand, Robin Campillo), du même chef opérateur (Pierre Millon), et des mêmes producteurs (Vincent Dietschy de Sérénade Production, puis Carole Scotta et Caroline Benjo de Haut et Court).
Ensuite nous pouvons noter, avec Prédal, le grand rôle des chaînes de télévision, en plus de celui de l’avance sur recette du CNC, dans le montage financier des films d’auteurs en France. La chaîne Arte s’implique particulièrement, en participant à ce que Prédal nomme des « cinétéléfilms » ou « télécinéfilms » , c’est – à dire- des films qui sortiront successivement à la télévision et au cinéma, ou inversement, ou encore pratiquement simultanément. Ainsi Les Roseaux sauvages (André Téchiné, 1994), ou Samia (Philippe Faucon, 2001), ou plus récemment La Belle personne (Christophe Honoré, 2008) sont à la fois des films TV et de cinéma. Il en a été de même pour Ressources Humaines de Cantet qui a aussi participé, aux côté de Tsai Ming Liang ou Walter Salles, à la série « 2000 vu par » dont Les Sanguinaires étaient la seule contribution française.
En outre, Cantet emprunte avec ELM la voie moderne de la DV qui « permet de ne plus faire la différence entre répétitions et tournage » , et donc facilite le travail avec des acteurs non professionnels comme Cantet aime à le faire. Grâce à la DV les prises sont plus longues, et on peut envisager un tournage avec plusieurs caméras (Cantet en utilisera trois simultanément dans ELM). Et la qualité de l’image DV peut conduire à « une sorte d’hyperréalisme pour parler comme en peinture - dont on peut tirer avantages. »
Enfin, Cantet fait partie de ces jeunes cinéastes qui, affirme toujours Prédal, favorisent le réel plutôt que l’image. « Le jeune cinéma français est généralement filmé comme Voyage en Italie, Stromboli ou Europe 51, dans la simplicité et la fluidité naturelles des œuvres attachées aux mouvements de êtres plus qu’à la géométrie des images. » Cantet dans les entretiens qu’il accorde reconnaît en effet l’influence de Rossellini, et de n’avoir jamais chercher à faire une belle image.

Relation au réel dans l’œuvre de Cantet

La relation de l’œuvre de Laurent Cantet au réel est forte. Pour chacun de ses films il explore des phénomènes différents, choisis dans l’actualité contemporaine : les manifestations des lycéens de 1995 dans Tous à la manif, le rituel du passage à l’an 2000 dans Les Sanguinaires, le passage aux 35 heures dans Ressources humaines, le chômage des cadres dans L’Emploi du temps, le tourisme sexuel dans Vers le Sud, et l’univers scolaire dans ELM. Il a pour habitude de consacrer du temps à l’exploration de ces réalités, longtemps avant de commencer le tournage, un peu à la manière d’un ethnologue. Cette exploration correspond souvent pour lui en partie à la phase du casting pour laquelle il aime prendre son temps : deux mois pour les Sanguinaires, six mois pour Ressources Humaines et pour L’emploi du temps, un an pour Entre les murs. Aimant à travailler avec des acteurs non professionnels proches de la réalité sociale de leurs personnages, il utilise la phase du casting pour confirmer on non ses hypothèses sur la réalité sociale du sujet de son film et modifier son scénario. Ainsi pour Ressources humaines, il profite du casting pour échanger beaucoup avec des ouvriers, des délégués syndicaux. Et pour ELM, il prend une année scolaire entière pour rencontrer élèves, professeurs et autres personnels d’un collège. « Les amateurs apportent avec eux un bloc de réel que le film est obligé de prendre en compte et qui l’enrichit, déclare-t-il. »

Laurent Cantet s’est exprimé sur la relation de ses films au réel. Elle vient d’abord de sa formation de cinéphile et de cinéaste : « Certains cinéastes comme Roberto Rossellini ou Maurice Pialat m’ont aidé à comprendre comment raconter des histoires, surtout dans leur volonté d’être en phase avec leur temps. A travers mes films j’ai envie de donner des nouvelles du monde dans lequel on vit. »
Il s’agit pour lui de rendre compte du monde dans lequel nous vivons, de questionner la réalité, plus que de délivrer un message ou s’engager dans des discours militants : « Je ne cherche pas à faire des pamphlets. Je me sens très impliqué dans tout ce qui se passe autour de moi. Et chaque film est une manière de poser des questions, d’ouvrir le débat. »
« Je n’ai jamais été militant à proprement parler. J’ai toujours eu envie de comprendre ce qui se passait autour de moi, une espèce d’empathie avec le monde, sans avoir des convictions assez arrêtées pour m’engager au sens propre du terme. »
Et si les personnages des films de Cantet nous paraissent plus vrais que nature, c’est parce qu’ils n’hésitent pas à nous les présenter avec leurs contradictions. François Marin est un professeur de qualité, mais qui commet de lourdes maladresses. Khoumba est une élève malicieuse et intelligente, mais qui franchit aussi les limites de l’insolence. « On est parfois trop timide dans l’écriture des scénarios par rapport à la réalité. Les personnages sont souvent trop cohérents, construits. Alors qu’on passe tous par des choses totalement opposées. Chacun peut être d’une douceur totale, puis péter les plombs, être sympathique, puis de mauvaise foi. Cette richesse humaine est souvent tellement simplifiée. L’incohérence est humaine. »
Chez Cantet, le travail sur la réalité est quasi scientifique, proche d’un travail sociologique. Le résultat de ce travail produit des images cliniques, relativement froides, et très éloignées des images d’autres cinéastes, eux aussi en quête de la réalité. Je pense à Johan Van der Keuken, ou encore à Philippe Grandrieux dont les films offrent des images sensibles, plastiques, à mille lieues d’ELM.

Réel et réalité

Notre problématique nous engage également à examiner les questions du réel et de la réalité. Résoudre ces deux questions dans le présent travail est impossible. Tout du moins allons-nous ici tenter de débroussailler ce que recouvrent ces deux notions, afin de donner non pas des réponses exhaustives, mais des débuts de pistes de réflexions.
Consultons une fois encore pour commencer le dictionnaire théorique et critique . Il nous dit qu’on désigne par réel « ce qui existe par soi-même », et que la réalité correspond à « l’expérience vécue que fait le sujet du réel ». Il apparaît d’emblée que le réel est objectif, et que la réalité est subjective, puisqu’elle dépend d’un sujet. Ensuite le réel semble difficile à percevoir dans sa totalité et son déroulement. D’une part il ne cesse de changer avec le défilement du temps. Le réel saisi – si tant est qu’on peut parvenir à le saisir- par une caméra au moment de la prise de vue n’aura plus rien à voir avec ce qu’il sera devenu au moment de la projection. Le premier problème posé par l’appréhension du réel est donc le temps. D’autre part le réel semble immense, de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Où commence-t-il ? Où se termine-t-il ? Qu’en percevons nous ? Que peut en percevoir une caméra ? Il y a bien des chances que la perception en soit partielle. D’ailleurs le cinéma coupe par essence : le cadrage est une coupure spatiale et le montage représente des coupures temporelles. Vouloir reproduire le réel semble impossible, car il semble impossible à saisir, toujours passé, et jamais fini. Vouloir l’appréhender est tout aussi illusoire que saisir le tout d’un flux ininterrompu.
A partir du moment où on tente de le reproduire, d’en rendre compte, il me semble plus judicieux de parler de réalité, en raison de la subjectivité de celui qui fait cette tentative. Qu’est-ce que la réalité ? Voilà une nouvelle question philosophique, à laquelle on peut apporter les mêmes interrogations que précédemment sur le réel.
Comment le langage audiovisuel transpose-t-il la réalité ? Qu’est-ce que la représentation de la réalité ? Comment l’espace de l’écran devient-il vraisemblable ? Comment parvient-il à créer chez le spectateur cette illusion vraie ? Voici des questions plus cinéphiliques que philosophiques, auxquelles François Niney apporte ce début d’explication : « Si la réalité nous préexiste, nous détermine et nous résiste, notre présence et nos liens la transfigurent, la restituent transformées à nos contemporains et héritiers. Et le scandale du cinéma, sa fascinante portée, c’est peut-être de savoir rendre visible cette expérience : nos manières de (re)faire le monde et de le partager. »
Le cinéma n’est pas un moyen de reproduire objectivement le réel, car celui-ci nous résiste. Par contre il a le pouvoir d’exprimer cette résistance. C’est ce que Niney nomme « épreuve du réel ».
De plus la prise de vue d’un objet réel par la caméra est toujours partielle : l’angle choisi, le cadrage, la longueur du plan, le mouvement de l’objet, celui de la caméra,… sont des sélections dans le réel par le cinéaste, qui exprime ainsi sa subjectivité, son point de vue, et donc sa propre réalité. Ensuite il faut tenir compte du montage qui peut faire dire ce qu’il veut aux prises de vue. Le montage peut être mensonge. « Le paradoxe du montage, écrit François Niney, c’est qu’il peut produire du faux en faisant dire ce qu’il veut aux images racolées (cas général de la propagande), mais il n’en est pas moins l’opération par laquelle s’élabore le sens du film et le cinéma se fait art. » Par le montage également le cinéma crée sa propre réalité. Enfin le film est reçu par le spectateur dans les conditions de la salle de projection que nous avons évoquées ci-dessus, et en quelque sorte il se recrée à ce moment-là. Le spectateur aussi contribue à créer sa réalité du film. Et Johan van der Keuken, photographe et cinéaste, fait bien la différence entre le rapport au temps de la photographie et celui du cinéma. Dans Les vacances du cinéaste (Vakantie van de filmer, 1974), il énonce en voix off : « La photo est un souvenir ; je me rappelle de ce que je vois maintenant. Mais le film ne se rappelle de rien ; le film se passe toujours maintenant. »
Le cinéma cherche à montrer ce qui n’est pas visible, à dire ce qui est indicible. « Regarder quelque chose qui ne s’y trouve pas : un homme sur une surface, et la lumière qui l’éclaire ; une route ; l’écoulement du temps, le partage des vivres : c’est un peu ce dont parle le cinéma ». Voilà ce qu’écrit Johan van der Keuken en 1979.

La reproduction filmique, même voulue comme la plus fidèle d’une réalité, demeure une transposition. « Dès qu’un homme est filmé, affirme Johan van der Keuken, il cesse d’être un homme pour devenir un morceau de fiction, de matériau filmé. Et pourtant, il continue d’exister. Cette double vérité est lourde de tension. Trouver une forme pour cette tension signifie : créer un monde imaginaire et y décrire le combat humain. » « Je n’envisage pas la réalité comme quelque chose qui puisse être fixée sur la pellicule, poursuit dans un autre texte le même cinéaste, mais plutôt comme un champ (en termes énergétiques) (…). L’image filmée telle que j’essaie de la faire résulte plutôt d’une collision entre le champ du réel et l’énergie que je mets à l’explorer. C’est actif, agressif. »

Le cinéma ne représente pas la réalité, mais crée sa propre réalité. Il tire du réel des réalités. Et pour les communiquer, il invente un langage (cadrage, découpage, montage) issu d’une réflexion sur la difficulté de communiquer la réalité. C’est en cela que le cinéma se distingue du reportage télévisuel, de l’actualité télévisée, de la télévision qui, elle, fait croire que l’image prise sur le vif est forcément vérité objective. Ce sont ces interrogations sur la vision, et sur ce qui lui échappe qui font la différence entre cinéma et télévision. Précisons que sont films de cinéma, tous les films qui témoignent de cette réflexion sur la réalité, qu’ils soient fictions ou documentaires.

Documentaire et fiction

Les termes de fiction et de documentaire sont utilisés pour désigner et catégoriser les films. On utilise le mot « fiction » pour désigner les films qui relèvent plutôt de l’imagination. Il vient du mot latin fictus qui signifie « inventé ». Le mot « documentaire » désigne les films qui relèvent du réel. Il vient du latin documentum (enseignement, leçon, modèle, preuve), mot dérivé du verbe docere (instruire).
Le Dictionnaire théorique et critique nous dit en effet qu’ « est fiction tout ce qui est inventé, à titre de simulacre ». Si des éléments non fictifs se trouvent dans une fiction, ils y sont en effet détournés. Ainsi les immeubles de Toronto – qui sont non fictifs – se trouvent, pour des raisons de facilités de tournage, dans plusieurs films comme figurants des immeubles de New York, lieu choisi pour nombre de fictions américaines. Le même dictionnaire explique qu’ « on appelle documentaire un montage cinématographique d’images visuelles et sonores données comme réelles et non fictives. » D’emblée ces deux définitions opposent donc point par point la fiction que l’on placera du côté de l’invention, du non réel, voire du mensonge, et le documentaire que l’on placera du côté du réel, de la vie, voire de la vérité.
Dans cet esprit d’opposition de genres, on peut concevoir les films de fiction comme venant à la suite des ouvrages littéraires dits aussi de fiction, c’est-à-dire, le roman, les poèmes épiques, les contes, les fables, … Dans ces ouvrages un pacte tacite est passé avec le lecteur qui s’engage à prendre pour sérieux et vraisemblable ce qui lui est proposé, tout en sachant que cela est faux. Quant aux films documentaires, ils relèveraient plutôt de la connaissance scientifique et de sa transmission. Dans ce raisonnement la fiction serait davantage du côté de la littérature, de l’art. Et le documentaire du côté du savoir, de la pédagogie, mais aussi résolument du côté du cinéma, car, contrairement au mot « fiction », le nom « documentaire », désigne exclusivement une œuvre audiovisuelle (de cinéma ou de télévision).
En outre, cette division fiction- documentaire remonte aux origines du cinéma, les films de Méliès étant considérés comme les premières fictions, et ceux des frères Lumière comme les premiers documentaires. Elle s’appuie sur le rapport des films au réel, à la réalité de la vie.

Cependant qu’ils soient documentaires ou fictions, tous les films passent par le même signifiant, par le même dispositif de projection sur un écran. Cet écran que le spectateur affronte n’est pas la réalité, mais ce que Guy Gauthier appelle « un univers de formes et de couleurs en mouvement » qui nécessite pour le confort du spectateur une baisse de vigilance. Cette baisse de vigilance, que Gauthier désigne par « un sentiment d’être ailleurs » , est parfaitement compatible avec la fiction qui n’a à justifier de rien en dehors de l’univers créé par le film. Par contre, le documentaire doit rendre des comptes constamment sur la réalité de son sujet, son référent.

Les frontières entre fiction et documentaire sont lâches et poreuses. Le film de fiction peut utiliser des images d’archives. Le film documentaire peut utiliser les codes narratifs de la fiction (montage, mouvements de caméra, angles de prises de vue, cadrages, musique). La fiction se base presque toujours en partie sur des éléments de la vie réelle : les rues parisiennes de A bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard sont bien réelles en 1960 par exemple. Le documentaire peut user de reconstitutions, faire jouer ceux qu’il filme, comme le fit dès 1922 Robert Flaherty dans Nanouk L’Esquimau. Penser le documentaire comme un genre garant d’une reproduction objective et fidèle de la réalité est un mensonge aussi pieu que considérer la fiction sans lien avec la réalité.

Chercher à définir ce qui différencie fiction et documentaire finit par montrer les ambiguïtés et les limites de la notion de genre. Plutôt qu’un genre, le documentaire est un propos, celui de renseigner. Plutôt qu’un genre, la fiction est une posture de cinéaste, celle d’emporter le spectateur dans un récit. Ce qui distingue le documentaire de la fiction, ce n’est ni le sujet, ni le contenu, ni la quantité d’informations exactes. Ce qui les distingue, Guy Gauthier l’affirme avec raison, « c’est une question de méthode » . Reprenons ici les trois points de cette méthode qui caractérise le documentaire selon Guy Gauthier : dans le film documentaire, tout d’abord, chaque personnage interprète son propre rôle ; ensuite, les décors sont réels, et non détournés ; enfin, il n’y a pas d’intrigue romanesque, c’est-à-dire étrangère à l’expérience vécue par l’équipe de tournage.
Une fois cette méthode établie on comprend mieux d’une part que ELM ait prêté parfois à confusion dans son propos, car l’école est un sujet éminemment documentaire, les informations apportées par le film sur le fonctionnement scolaire sont précises et abondantes comme on en attend des informations apportées par un documentaire. On comprend mieux d’autre part pourquoi il est erroné de prendre le film pour un documentaire, puisque la méthode d’ELM ne correspond à aucun des trois points de la méthode documentaire : les acteurs, même s’ils sont non professionnels et proches de la réalité de leurs personnages, incarnent des personnages créés de toutes pièces ; les décors sont bien réellement un collège, mais il ne s’agit pas du collège Dolto, dont sont issus les acteurs, et auxquels les personnages se réfèrent à plusieurs reprises dans le film ; enfin le film est entièrement écrit, même si le tournage a laissé une certaine place à l’improvisation.

SYNOPSIS D’ENTRE LES MURS

C’est la rentrée. François Marin, professeur de français, retrouve ses collègues, puis les élèves de la classe de quatrième dont il sera le professeur principal cette année. Dans cette classe, les caractères se dessinent rapidement : les vives et contestataires Esméralda et Khoumba, la petite brute Souleymane, le gentil chahuteur Boubakar, le doué et appliqué Wei, la curieuse Angélica, la sage Juliette, … François tente de laisser des espaces de parole à tous, tout en proposant des travaux de vocabulaire, de conjugaison, d’écriture, … Les cours tournent parfois à l’affrontement verbal, mais François fait preuve d’un grand sens de la répartie et guide sa classe là où il le désire la plupart du temps.
Dans la salle des profs, des conceptions de l’enseignement différentes de la sienne s’expriment. Un jour, un collègue de techno craque devant les difficultés.
Parfois François connaît dans sa classe de quatrième des moments de tension plus forts que d’autres : Khoumba refuse de lire, puis fait des excuses auxquelles elle ne croit pas.
L’année scolaire suit son cours : rencontres avec les parents, conseil d’administration, arrivée d’un nouvel élève (Carl), arrestation de la mère de Wei qui est sans-papier. Lors du conseil de classe, les déléguées, Esméralda et Louise, notent avec surprise et indignation les paroles de François sur le cancre Souleymane. Le rapport de ces paroles en classe, provoquera un dérapage de François qui leur reprochera « leur attitude de pétasse », puis fera dégénérer l’ambiance de la classe que Souleymane finira par quitter violemment, après avoir tutoyé l’enseignant.
Le climat de confiance est rompu. Esméralda et Louise se plaignent de leur professeur à la CPE. Quand François va dans la cour pour tenter de s’expliquer, les élèves prennent partie pour elles et contre la possible exclusion de Souleymane.
Dans le collège, on prépare un conseil de discipline pour Souleymane. Le jour de ce conseil arrive. Et Souleymane se voit obligé de traduire les paroles de sa mère qui veut le défendre. La situation est cruelle pour lui. Son exclusion définitive est votée.
C’est la fin de l’année. Les élèves font le bilan de ce qui les a intéressés, de ce qu’ils ont appris. Un match de foot entre profs et élèves est organisé. Puis le collège se vide.

GENERIQUE D’ENTRE LES MURS

France, 24 septembre 2008, 35mm, couleur, 130 minutes.

Générique technique
Réalisateur : Laurent Cantet
Scénario : Laurent Cantet, François Bégaudeau, Robin Campillo
Auteur de l'oeuvre originale : François Bégaudeau d'après le roman "Entre les murs"
Société de production : Haut et Court
Coproduction : France 2 Cinéma
Producteurs : Carole Scotta, Caroline Benjo, Barbara Letellier, Simon Arnal
Directeur de production : Michel Dubois
Distributeur d'origine : Haut et Court
Directeurs de la photographie : Pierre Milon, Catherine Pujol, Georgi Lazarevski
Ingénieurs du son : Agnès Ravez, Jean-Pierre Laforce, Olivier Mauvezin
Décorateurs : Sabine Barthélémy, Hélène Bellanger
Costumes : Marie Le Garrec
Assistant-réalisateur : Michel Dubois
Monteurs : Robin Campillo, Stéphanie Léger
Conseiller artistique : Brigitte Tijou

Générique artistique
François Bégaudeau (François), Nassim Amrabt (Nassim), Laura Baquela (Laura), Cherif Bounaïdja Rachedi (Cherif), Juliette Demaille (Juliette), Dalla Doucouré (Dalla), Arthur Fogel (Arthur), Damien Gomes (Damien), Louise Grinberg (Louise), Qifei Huang (Qifei), Wei Huang (Wei), Franck Keïta (Souleymane), Henriette Kasaruhanda (Henriette), Lucie Landrevie (Lucie), Agame Malembo-Emene (Agame), Rabah Naït Oufella (Rabah), Carl Nanor (Carl), Esméralda Ouertani (Sandra), Burak Özyilmaz (Burak,) Eva Paradiso (Eva), Rachel Régulier (Khoumba), Angelica Sancio (Angélica), Samantha Soupirot (Samantha), Boubacar Touré (Boubacar), Justine Wu (Justine), Atouma Dioumassy (un représentant des élèves), Nitany Gueyes (un représentant des élèves), Vincent Caire (Vincent), Olivier Dupeyron (Olivier), Patrick Dureuil (Patrick), Frédéric Faujas (Fred), Dorothée Guilbot (Rachel), Cécile Lagarde (Cécile), Anne Langlois (Sophie), Yvette Mournetas (Yvette), Vincent Robert (Hervé), Anne Wallimann-Charpentier (Anne), Julie Athenol (la Conseillère Principale d'Education), Jean-Michel Simonet (le principal), Olivier Pasquier (l'intendant), Stéphane Longour (un surveillant), Abdoul Drahamane Sissoko (un surveillant), Aline Zimierski (la cantinière), Silma Aktar (une femme de ménage), Marie-Antoinette Sorrente (une femme de ménage), Fatoumata Kanté (la mère de Souleymane), Cheick Baba Doumbia (le frère de Souleymane), Khalid Amrabt (le père de Nassim), Adeline Fogel (la mère d'Arthur), Lingfen Huang (la mère de Wei), Wenlong Huang (le père de Wei), Sezer Özyilmaz (la mère de Burak), Marie-Laure Bulliard (une déléguée des parents), Robert Demaille (un délégué des parents), Céline Spang (une déléguée des parents).

Tournage du 2 juillet 2007 au 17 août 2007.
Palme d'or, 2008 au Festival International du Film (Cannes).

FILMOGRAPHIE DE LAURENT CANTET

1986 : Les Chercheurs d’or - Court-métrage de fin d’études.
1994 : Tous à la manif - Court-métrage, prix Jean Vigo, Grand prix du festival de Belfort.
1995 : Jeux de plage - Court-métrage, Grand prix du festival « côté court »
1998 : Les Sanguinaires - Film TV dans le cadre d’une série de la chaîne Arte réalisée par neuf cinéastes sur le thème du passage à l’an 2000.
1999 : Ressources humaines – Long métrage, César de la meilleure première œuvre, du meilleur espoir masculin, prix du nouveau réalisateur au festival de San Sebastian, prix du public aux rencontres internationales du cinéma Paris, prix du public au festival de Belfort, prix Fassbinder découverte des European film awards 2000.
2001 : L'Emploi du temps - Long métrage, Lion de l’année Venise 2001, Mostra de Venise.
2005 : Vers le sud - Long métrage, Prix CinémAvenir pour le Paix et du meilleur espoir masculin au festival de Venise.
2008 : Entre les murs - Long métrage, Palme d’or au festival de Cannes, et….

BIOGRAPHIE DE LAURENT CANTET


Réalisateur français né en 1961, originaire du Poitou. Fils d’enseignants, il fait ses premières découvertes de cinéma dans une salle proche de son lycée où la Fédération de Œuvres Laïques propose une programmation hebdomadaire de type Art et Essai. Il suit un cursus d’audiovisuel à Marseille, puis intègre l'IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques à Paris) où il restera de 1983 à 1986. Durant cette période il se lie d'amitié avec de futurs cinéastes nommés Dominik Moll, Thomas Bardinet, Vincent Dietschy ou encore Gilles Marchand. Il formera avec eux la société Sérénade Productions, au sein de laquelle chacun se verra plus ou moins associé au projet des autres. Laurent Cantet est ainsi crédité comme directeur de la photographie sur L’Etendu (1988) et Joyeux Noël (1993) de Gilles Marchand, et sur Cette nuit (1993) de Vincent Dietschy.
Laurent Cantet signe pour la télévision un documentaire sur la guerre du Liban (Un été à Beyrouth, 1990), avant de travailler comme assistant-réalisateur sur Veillées d'armes de Marcel Ophuls. Il se fait bientôt remarquer grâce à une paire de courts métrages dans lesquels apparaissent déjà deux de ses thèmes fétiches, la lutte des classes dans Tous à la manif (Prix Jean-Vigo 1995) et les liens familiaux dans Jeux de plage, qui marque les débuts à l'écran de Jalil Lespert.
Il passe au long métrage et réalise Les Sanguinaires pour la chaîne Arte et pour Haut et Court dans le cadre de la collection "2000 vu par...", une série en neuf cinéastes et autant de cinématographies. Toujours avec le soutien de la chaîne franco-allemande, et de Pierre Chevalier responsable du département fiction, il réalise son premier long métrage de cinéma : Ressources humaines, salué par deux César : Meilleure première oeuvre et Meilleur jeune espoir pour Jalil Lespert, seul acteur au milieu d'un casting de non professionnels. Dans ce film, on découvre l’usine comme lieu de fiction, et comme symbole d’une micro-société.
Le deuxième long métrage de Cantet, L’Emploi du temps, est primé à Venise en 2001. Interprété par Karin Viard et Aurélien Recoing, il s’inspire librement de l’affaire Romand, et montre le destin d’un homme qui cache son licenciement à sa famille et à ses proches, s’engageant dans une double vie difficile à gérer. Pour ce film, le réalisateur a dû se livrer à un travail d’imprégnation du milieu des affaires.
Vers le sud, son troisième opus, est lui aussi présenté à la Mostra. Inspiré d’une nouvelle de Dany Laferrière, il montre deux américaines, interprétées par Charlotte Rampling et Karen Young, en vacances à Haïti dans les années 80, qui se disputent les faveurs d’un jeune et bel indigène.
Entre les murs, son quatrième long métrage, décroche la Palme d'or au Festival de Cannes 2008.

Entre les murs, fiction ou documentaire ? Raisons et conséquences d'une ambigüité

Entre les murs (ELM) est le quatrième long métrage du réalisateur français Laurent Cantet. Dès sa sortie le 24 septembre 2008, auréolé de la palme d’or du festival de Cannes – ce qui ne s’était plus produit pour un film français depuis la palme accordée à Pialat en 1987-, il provoque une série de débats sur l’état de l’éducation nationale aujourd’hui en France dans les conversations et dans l’ensemble de la presse, y compris celle qui n’est pas spécialisée dans le cinéma. Né de l’envie de tourner à l’intérieur d’un collège, lieu qui peut fonctionner comme caisse de résonance à tout ce qui se passe autour, ce film s’inspire d’un roman de François Bégaudeau[1]. Le film et le roman racontent la vie professionnelle d’un jeune professeur de français face à une classe de quatrième bigarrée et agitée d’un collège parisien. L’action couvre une année scolaire entière. Mais le film n’est pas une adaptation littéraire, car le livre de François Bégaudeau est surtout utilisé par Laurent Cantet comme source de matière documentaire. Cette matière documentaire est nécessaire pour le cinéaste, elle nourrit en effet toutes ses fictions.

Curieusement les débats suscités par le film n’ont que très peu porté sur la qualité cinématographique de l’œuvre. Ils se sont essentiellement concentrés sur la valeur de la pédagogie du personnage principal, François Marin (interprété par François Bégaudeau), sur la vérité -ou non- de l’image donnée du collège, sur l’optimisme ou le pessimisme du propos,… En bref, les débats suscités ont été de même nature que ceux suscités par la sortie de Etre et Avoir (Nicolas Philibert, 2002). C’est que dès sa sortie ce film a provoqué une ambiguïté dans sa réception : il a été d’emblée considéré davantage comme un documentaire, et jugé comme tel, que comme un œuvre de fiction, ce qu’il est en réalité.

Et Laurent Cantet assume cette ambiguïté : « Mon premier film, Tous à la manif, tout comme le dernier d’ailleurs, soulevait déjà la question : documentaire ou fiction ? Dans les deux cas j’ai travaillé de la même manière, en écrivant d’abord une trame dramatique, puis en faisant très tôt un casting et en improvisant rapidement avec les acteurs choisis autour des situations que je proposais. Ensuite, j’intègre ce travail dans le scénario… c’est un début de méthode que j’ai toujours le désir de retrouver. Ainsi que la liberté qu’elle me confère. »[2]

Cette confusion documentaire-fiction est donc le résultat de la méthode Cantet qui consiste à travailler avec des acteurs non professionnels, dans des décors réels.

Qu’est ce qui précisément produit cette confusion entre documentaire et fiction ? Entre réel et invention ? Entre vécu et narration ? Cette confusion est elle voulue par le cinéaste ? De quel type de cinéma s’inspire ELM ? A la suite de quels films vient-il ? A quel cinéma appartient-il ? Comment la fiction se nourrit du réel pour mieux questionner la réalité ? Quelles conséquences a cette ambiguïté sur la réception de l’œuvre ? Sur sa portée ? C’est à cet ensemble de questions que nous nous proposons de réfléchir dans le présent travail.



[2] Enttretien accordé à LEHERPEUR Xavier, « Laurent Cantet La classe internationale », pour Ciné Live n°127, p. 60 et 61, octobre 2008.

Pourquoi ce blog

Je fais une étude universitaire sur le films Entre les murs dans le cadre d'un master de recherches en cinéma.
Ce blog est un moyen de publier mes recherches, mais aussi de les enrichir par des éventuelles contributions. Aussi, chers internautes de passage, n'hésitez pas à faire vos remarques, ou poser des questions.
Mariane Schouler