mercredi 13 mai 2009

L’importance du hors-champs


Comme l’indique le titre du film Entre les murs, on ne sort jamais du collège. On ne voit jamais les élèves chez eux, ou les enseignants dans leurs vies privées. Pourtant la caméra, en se concentrant sur cet espace particulier qu’est le collège, parvient à traverser des questions qui concernent l’ensemble de la société. C’est comme si le microcosme du collège parvenait à représenter la société dans son ensemble avec ses contradictions, ses problèmes.
C’est que la classe mise en scène dans ELM, est particulièrement hétérogène, du point de vue ethnique, social, et scolaire. Le choix d’une telle classe n’est pas anodin, et aussi difficilement imaginable ailleurs que dans un collège d’un arrondissement périphérique de Paris. Les élèves de cette classe sont représentatifs d’une très grande partie de la population française. A chaque élève correspond une réalité quotidienne que l’on n’a pas de mal à s’imaginer, et que Cantet se garde bien de représenter.
Le hors-champ ne cesse d’être évoqué dans le son : les rendez-vous de Khoumba à la station Luxembourg, le shopping d’Esméralda aux galeries Lafayette, les invitations à manger par la mère de Rabah que Boubakar refuse, les heures que Wei passe sur son ordinateur,… Et la seule voix off du film - celle Khoumba qui lit son texte sur le respect et fait le lien entre les séquences 13 et 14 – fait aussi apparaître un hors-champ : Khoumba chez elle rédigeant son texte. Son environnement, son état d’esprit sous à ce moment du film sont sous entendus comme un hors-champ.
Le choix du huis clos, entre les murs d’un collège, et donc d’un champ très refermé ne supprime le hors-champ qu’en apparence et lui donne à sa manière une importance plus décisive encore. L’espace clos du collège renvoie à un autre ensemble plus vaste, la société, dont chaque personnage est le représentant d’un type particulier. Le hors-champ réalise sa principale fonction qui d’ajouter de l’espace à l’espace.
En outre le hors-champ ouvre l’image à l’imaginaire. Il propose à l’image une dimension supplémentaire, de l’esprit et du temps. Cette dimension est particulièrement perceptible dans les champs vides qui parsèment ELM. Dans ces cadres géométriques, soulignés par les lignes verticales et horizontales de fenêtres, portes, casiers, tableaux, le personnage n’est pas encore visible ou ne l’est plus. Il est momentanément dans une zone de vide proprement invisible. Ces champs vides sont des images mentales ouvertes sur un jeu de relations purement pensées qui tissent un tout. Elles instaurent un rapport virtuel avec le tout.

Fin séquence 10 : fenêtre de la salle des profs, après la sortie de Vincent
Elles sont des cadres dans le cadre, mais dont les bords ne sont pas dans le cadre. Elles contiennent en elles le projet de Cantet d’être au centre, loin des bords, au cœur de son sujet.
Souvent parties de portes ou de fenêtres, ces images sont des seuils, qui délimitent
l’espace et le temps où va se jouer (ou bien où vient de se jouer) la scène, tel au théâtre le rideau de scène. Elles rappellent que nous sommes dans un spectacle, que l’école est aussi une forme de spectacle où chacun a conscience de jouer un rôle.
Enfin ces images vides de personnages sont des images des limites de l’espace. Nous sommes effectivement enfermés entre les murs d’une classe, d’un collège. Il n’y a que très peu de possibilités de profondeur de champ.

fin séquence 12 : fenêtres cdi, après la sortie de François


milieu séquence 13 : casiers salle des profs, avant l’entrée de François


fin séquence 14 : porte de la classe après la sortie de Carl
début séquence 15 : tableau avant l’entrée des parents de Wei


fin séquence 20 : fenêtre de la classe après la sortie de Souleymane et François


fin séquence 23 : porte claquée et qui se rouvre après la sortie de Souleymane

Le montage

Le montage

Comme l’a écrit Walter Benjamin, le cinéma permet de voir plus, notamment grâce au découpage effectué dans le réel par le cadrage et le montage. « Entre le peintre et le caméraman nous retrouvons le même rapport qu’entre le mage et le chirurgien, écrit-il en 1935 dans L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique. L’un observe en peignant une distance naturelle entre la réalité donnée et lui-même ; le caméraman pénètre en profondeur dans la trame même du donné. Les images qu’ils obtiennent l’un et l’autre diffèrent à un point extraordinaire. Celle du peintre est globale, celle du caméraman se morcelle en un grand nombre de parties, dont chacune obéit à ses lois propres. Pour l’homme d’aujourd’hui l’image du réel que fournit le cinéma est infiniment plus significative, car, si elle atteint à cet aspect des choses qui échappe à tout appareil – ce qui est bien l’exigence légitime de tout œuvre d’art- elle n’y réussit justement que parce qu’elle use d’appareils pour pénétrer, de la façon la plus intensive, au cœur même de ce réel. »

Prenons le moment, à 27 minutes du début, où François demande à ses élèves de lire un passage de Journal d’Anne Frank. Khoumba, l’élève interrogée refuse de lire, ce qui déstabilise l’enseignant et crée un moment de tension dans la classe.
Le montage, précis, incisif, montrent en alternance le professeur et ses élèves, non pas dans un champ / contrechamp classique, mais dans une alternance de plans du professeur aux regards allant toujours vers la droite de l’écran, et de plans d’élèves aux regards allant toujours vers la gauche de l’écran. Les caméras, se trouvant toujours du même côté de la salle de classe, donnent au spectateur l’impression d’assister à un matche de tennis. Et c’est bien souvent à un match, un combat, une joute verbale que se livrent les protagonistes. C’est comme si l’énergie des élèves, contenue physiquement par la disposition de la classe qui les contraints à l’immobilité et la position assise, rejaillissait dans leur interventions.
En outre le rythme est rapide, les plans gardés au montage sont très brefs : deux à cinq secondes dans les moments de tension, et cinq à dix secondes dans les moments de répit et de concentration des élèves, par exemple pendant la lecture du Journal d’Anne Frank par Esméralda. Pendant ce moment de calme, la caméra de Cantet capte les détails en se rapprochant encore plus près des corps qui apparaissent en gros plan à l’écran, concentrés sur le texte, sur l’effort que l’exercice de lecture demande, mais aussi mâchonnant un chew gum , distraits, avachis sur les tables (plans 40, 44, 45). A ce moment précis, les images, galerie de portraits très rapprochés, font échos au texte du Journal d’Anne Frank. A l’autoportrait de l’adolescente juive qui se présente comme « un paquet de contradictions », comme une jeune fille qui laisse paraître sa « gaîté exubérante », sa « joie de vivre », tout en dissimulant son « côté plus profond », « plus pur », correspondent les portraits des adolescents de cette classe qui eux aussi sont « des paquets de contradictions ».

Beaucoup d’éléments, initialement prévus dans le scénario on été supprimés au montage : les bons mots issus du livre de Bégaudeau qui passaient mal à l’écran, la lecture en voix off du questionnaire de l’éducation nationale par François, des scènes entières dont l’épilogue final au Mali, parce qu’ils étaient inutiles.

Le traitement de l’image

Si Laurent Cantet est un réalisateur qui s’intéresse à la réalité de la société dans laquelle il vit, son choix est depuis son premier film de fabriquer des fictions. Et même si ces fictions sont ancrées dans une matière documentaire fouillée, elles s’affichent avant tout comme des histoires de cinéma inventées. C’est sans doute que le cinéaste est conscient de la capacité qu’a la caméra de transformer d’emblée les objets qu’elle filme.
Comme l’affirmait André Bazin, tout sujet une fois à l’écran prend une dimension esthétique. Même ce qui se veut être une prise directe devient esthétique. Il y a quelque chose dans l’appareil lui-même qui transforme. En 1947, il écrit à propos d’un festival de films scientifiques : « Lorsque Muybridge ou Marey réalisaient les premiers films d’investigation scientifiques, ils n’inventaient pas seulement la technique du cinéma, il créaient du même coup le plus pur de son esthétique. Car c’est la le miracle du film scientifique, son inépuisable paradoxe. C’est à l’extrême pointe de la recherche intéressée, utilitaire, dans la proscription la plus absolue des intentions esthétiques comme telles, que la beauté cinématographique se développe par surcroît comme une grâce surnaturelle. Quel ciné d’ « imagination » eût pu concevoir et réaliser la fabuleuse descente aux enfers de la bronchoscopie des tumeurs des bronches, où toutes les lois de la « dramatisation » de la couleur sont naturellement impliquées dans les sinistres reliefs bleuâtres dégagés par un cancer visiblement mortel. Quels trucages optiques eussent été capables de faire naître le ballet féerique de ces animalcules d’eau douce s’ordonnant par miracle sous l’oculaire comme dans un kaléidoscope ? Quel chorégraphe de génie, quel peintre en délire, quel poète pouvaient imaginer ces ordonnances, ces formes et ces images ? La caméra seule possédait le sésame de cet univers où la beauté s’identifie tout à la fois à la nature et au hasard : c'est-à-dire à tout ce qu’une certaine esthétique traditionnelle considère comme tout le contraire de l’art. (…) Qui n’a pas vu cela ignore jusqu’où peut aller le cinéma. »
Bien sûr Entre Les Murs n’est ni un film scientifique, ni même un documentaire. Mais Cantet, dans sa façon de faire, semble avoir tiré les leçons de la remarque de Bazin. Il fait confiance à la caméra pour laisser surgir la beauté au hasard des scènes. Sa caméra- ou plutôt ses trois caméras- sont mobiles au milieu d’un décor naturel et tournent dans la durée pour ausculter le microcosme qui y est à l’œuvre. Il en résulte des images qui paraissent prises sur le vif, mais dont surgit aussi une esthétique froide qui tient aux couleurs (le vert du tableau et des murs), à la disposition (qui rappelle la représentation théâtrale), et aux mouvements des corps (qui s’agitent énormément dans leur relative immobilité).
Les cadrages presque toujours à l’épaule ne sont visiblement pas étudiés à l’avance, soignés avec précision. Ils cherchent à capter des mots, des paroles, des expressions, des pensées sur les visages des protagonistes qui sont filmés longuement, presque scientifiquement. Cantet sait jusqu’où peut aller le cinéma.
Cependant les gros plans sur les visages ne nous font accéder à aucune intimité. L’usage du téléobjectif a pour conséquence que la distance filmeur /filmé reste relativement grande. Cette distance toujours respectueuse est davantage celle du scientifique qui s’interroge et cherche à comprendre que celle de l’artiste en quête d’émotions, de ressenti, de sensualité.
Le cadrage de Cantet, quasiment toujours en plans rapprochés, exprime la volonté de saisir les personnages dans leur complexité. L’enjeu du film est moins de parler d’une réalité sociale, que de raconter le destin de personnages singuliers.
L’absence de grain donné par le tournage en HD rappelle la texture des reportages télévisuels, ou des vidéos familiales, et donnent l’impression d’une prise en direct des évènements. Les cadrages, faits à niveau d’élève, en légère contre-plongée quand il s’agit de montrer l’enseignant, renforcent l’impression du spectateur d’être un élève parmi les autres de cette classe. Mais cet élève spectateur est le seul élève mobile, le seul de la classe qui se déplace, glisse des premiers aux derniers rangs.
Dans les scènes à l’intérieur de la classe, qui constituent la matière principale du film, les trois caméras filment, en longue focale, au plus près des corps. Les corps sont réduits à des bustes, et baignés dans la couleur verte. Ceux des élèves dans le vert des murs, et celui de l’enseignant dans le vert plus foncé du tableau. Parfois on retrouve cette couleur dans les vêtements (le T-shirt de François dans l’extrait que nous allons étudier), et dans les objets (un classeur sur une étagère). Le vert de la peinture des murs de la classe est celui qui a été choisi pour représenter le film : on le retrouve sur l’affiche du film, sur la couverture du scénario , et sur la jaquette du DVD. Cette couleur, extrêmement présente, n’est pas anodine. Ce vert enveloppe les protagonistes dans un écrin qui les met en valeur. Il crée une atmosphère légèrement froide, comme s’il s’agissait d’observer cliniquement ce qui se déroule entre ces murs. Il participe à la réflexion sur l’esthétique de la vidéo qui s’oppose à celle du film. Le choix du vert à une incidence sur le rendu des différentes carnations.

Mais dans le même temps, le cinéma de Cantet semble avoir conscience que la caméra, plus que tout autre appareil a la faculté de nous parler du monde. C’est l’idée très féconde de Siegfried Kracauer dans Theory of film, selon laquelle la caméra permet d’enregistrer ce qui existe dans la réalité, mais aussi révéler ce qui n’est pas accessible à l’œil humain.
Tout d’abord la caméra de Cantet permet de nous faire accéder à un certain univers actuel, celui du collège d’un quartier parisien habité par des personnes de niveaux sociaux inégaux et d’origines très différentes. Cet univers existe dans la réalité, mais n’est accessible qu’aux habitants de ce quartier, ou de quartiers similaires d’autres grandes villes de France. Ensuite, par sa place au cœur d’une classe, et par ses cadrages, la plupart du temps très serrés sur les personnages, la caméra de Cantet, par les petits gestes et les regards qu’elle capte, recueille des attitudes de concentration, d’écoute, mais aussi de d’incompréhension ou de rêverie, voire de provocation. Elle recueille aussi des sentiments : la fierté, la perplexité, l’agacement, la honte, la gêne … Et l’ensemble de ces attitudes ou sentiments rendus accessibles aux spectateurs par la caméra, n’est dans la réalité accessible pour personne, de sorte que la réalité de la classe fictive de Cantet est une réalité plus accessible que celle d’une classe réelle. Enfin, toujours par sa place et ses cadrages, la caméra de Cantet donne la tonalité au film : il s’agit de faire état d’une situation dans laquelle les personnages sont pris sans aucun jugement de valeur par le cinéaste. Ni complètement positifs, ni complètement négatifs, les personnages sont envisagés dans leur complexité, avec leurs contradictions. Ainsi François, le professeur de français, est bien sûr un homme courageux, qui cherche à communiquer au mieux avec ses élèves, leur laissant énormément la parole, pour les entraîner sur les chemins de la connaissance, mais c’est aussi l’homme incapable d’accepter les conséquences de sa pédagogie parfois démagogique. Ainsi il permet que les élèves enfreignent dans sa classe certaines règles de l’établissement (utiliser leur portable), mais refuse le tutoiement. Il est montré dans ses efforts et dans sa réussite pédagogique, mais aussi dans ses dérapages verbaux, lorsqu’il utilise le mot « pétasses » pour s’adresser aux deux déléguées par exemple. De la même façon Souleymane, le caïd et le cancre, est capable de produire un bel effort pour son autoportrait.
Tel un Robert Flaherty qui impressionna 70 000 mètres de pellicule pendant son séjour d’un an et demi sur l’île d’Aran, Laurent Cantet a laissé tourner trois caméras simultanément dans le collège d’Entre les murs, hissant le nombre d’heures de rush à cent cinquante. Tout deux ont en effet l’idée que la caméra fonctionne comme un capteur, révélateur d’un mystère qu’elle peut voir mieux que l’œil humain. Il faut lui laisser le plus de chance de capter le détail qui fera révélation, le détail apte à raconter davantage. En cela ils rejoignent la conception du « ciné-œil » de Dziga Vertov qui pensait que l’objectif voit mieux que l’œil humain, et qu’il analyse beaucoup mieux la réalité.

La construction dramatique

Le scénario condense dans des séquences de cinq minutes environ des événements qui se produiraient dans la réalité à des semaines d’intervalle. Le discours est construit avec une ligne narrative qui soutient tout le film, dont le point d’orgue est le conseil de discipline. Si il y a pu avoir un quiproquo dans l’esprit des spectateurs sur la nature du film, il vient de l’envie de Laurent Cantet de restituer aussi une certaine réalité, de prendre le temps de laisser certains personnages exister, de prendre le temps de les regarder, un peu comme à la manière d’un documentaire. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces personnages sont créés.
Le film est construit comme une chronique d’une année scolaire. Les séquences sont présentées dans l’ordre chronologique depuis le premier jour de la rentrée des classes jusqu’au dernier jour précédant les vacances d’été. Le sens de histoire, celle de Souleymane en l’occurrence, n’apparaît qu’au bout d’une heure de film, car les scènes amènent les éléments narratifs « par en dessous », en filigrane, tout doucement, ce qui contribue aussi à la confusion avec un documentaire. Les scènes paraissent moins instrumentalisées à la narration que dans la plupart des scénarios. Les fils narratifs mettent du temps à se nouer, mais ils sont bien là au bout du compte.
Le personnage de Souleymane est le personnage le plus fictionnel du film. Il est interprété par Frank Keita, dont la personnalité douce et posée est bien éloignée de celle de Souleymane, la forte tête de la classe par qui arrive la plupart des moments de tension. Son histoire a été écrite par Cantet deux ans avant sa rencontre avec Bégaudeau, et bien avant la lecture du roman.

Notons aussi que le film s’attarde sur les moments de l’année scolaire où la classe s’éloigne de l’enseignement purement scolaire pour aller vers des moments de discussion. Ces moments sont évidemment plus cinématographiques que par exemple une leçon de grammaire dans son intégralité qui se déroulerait sans incident. Il ne s’agit pas de donner une vision globale de ce qui se passe dans la classe de François, mais de mettre en avant les moments de frictions, de tension, durant lesquels se cherche la démocratie. La mise en avant de ces moments est une caractéristique importante de l’écriture du film.

Les décors

Le réalisme provient en partie des décors qui sont naturels. Le film a en effet été tourné dans le collège Jean Jaurès, voisin du collège Dolto dont les acteurs sont issus et auquel ils font référence. Le tournage n’a pu avoir lieu à Dolto pour cause de travaux.
On peut souligner la très grande précision, voire la technicité, avec laquelle ELM nous montre les différents lieux du collège. Outre la classe, dans laquelle se déroule la grande majorité des scènes, on voit les lieux de détente : la salle des profs, le réfectoire, ainsi que la cour de récréation, la plupart du temps filmée de loin et de haut, montrant les élèves qui s’y ébattent comme des animaux de laboratoire dont il faudrait saisir le comportement. On aperçoit aussi les lieux de passage : les escaliers, les couloirs et les passerelles, les lieux de savoirs : le CDI, la salle informatique, et les lieux de pouvoir : le bureau du principal. Cantet prend soin de nous montrer l’ensemble des lieux physiques, comme il nous en montre tous les rouages : conseil d’administration, conseil de classe, conseil de discipline.

Le casting

Du collège Cantet nous montre tous les acteurs : des plus évidents, les profs et les élèves, aux plus inattendus, l’intendant, les femmes de ménage, sans oublier les parents, la Conseillère principale d’Education ou le Principal.
Il n’y a pas réellement eu de casting au sens traditionnel du terme. L’équipe du film a proposé à tous les élèves volontaires des quatrièmes et des troisièmes du collège Françoise Dolto un atelier d’improvisation le mercredi. En début d’année une cinquantaine d’élèves se sont présentés. A la fin de l’année vingt-quatre poursuivaient l’atelier avec assiduité. Ces vingt-quatre élèves sont ceux que l’on voit dans le film. Ces ateliers auxquels participaient Laurent Cantet, François Bégaudeau et Robin Campillo ont été l’occasion de poursuivre l’écriture du scénario en s’inspirant du langage des élèves et de leurs réactions, de valider ou non les hypothèses émises sur la réalité du collège et sur la vraisemblance des situations proposées. Les ateliers ont permis à cette classe d’exister vraiment, c’est-à-dire que les élèves avaient réellement passé une année scolaire ensemble (le mercredi) au moment du tournage.
Les rôles n’ont été distribués que tardivement. Mis à part pour les personnages de Souleymane, et Khoumba, les élèves ont conservé leurs véritables prénoms, pour favoriser la spontanéité lors des improvisations du tournage, durant lesquelles les élèves s’interpellent entre eux ainsi plus naturellement, avec leur véritable identité. Les élèves acteurs n’ont jamais lu le scénario, afin que le tournage puisse se réaliser dans la continuité des ateliers, c’est-à-dire sous forme d’improvisations à partir d’une situation donnée et de quelques éléments imposés par Cantet.

Les professeurs sont aussi interprétés par les vrais professeurs du collège Dolto. Et Bégaudeau qui interprète François Marin a été professeur de français au collège pendant dix ans. « L’expérience professionnelle des enseignants m’intéressait, déclare Cantet . Je pense qu’un comédien m’a rarement convaincu lorsque j’ai vu des films sur l’école. Je pense qu’être prof est une pratique. Cette pratique implique tout le corps, la façon dont on se positionne face à une classe, une façon de poser la voix, une façon d’être devant sans classe, et puis une tournure d’esprit qui relève d’une improvisation continuelle et instantanée. Un prof est habitué à ça, est capable de répondre du tac au tac, et surtout de ne pas laisser le dixième de seconde qui laisse le temps aux élèves de mettre en doute cette réponse-là. Dans la mesure où on voulait une part d’improvisation dans le tournage, il me semblait important que la personne qui allait être en face d’eux [les élèves] ait cette pratique-là. Contrairement aux élèves, ils ont eu en main le scénario avant le tournage. »

Les parents sont les véritables parents, à l’exception de la mère de Souleymane qui n’est pas la mère de Frank Keita. Le principal est interprété par le principal-adjoint.

Le choix de faire interpréter les personnages par des personnes qui en connaissent la réalité sociale, et qui ont vraiment entre elles les liens que les personnages ont, produit un jeu très naturaliste des acteurs. Le jeu est plein de conviction sans que jamais les traits ne soient forcés.

UN CINEMA TRES REALISTE

On appelle réalisme la façon que la fiction a de rendre compte du réel, en fabriquant une réalité vraisemblable, mais qui n’est pas le réel. C’est, pour ce qui concerne les arts et la littérature, une façon de privilégier la représentation exacte, non idéalisée, de la réalité humaine et sociale. Créer un monde qui semble fonctionner naturellement, peut-être encore plus naturellement que la réalité, c’est s’ancrer dans le réalisme. Aristote explique dans La Poétique la manière de faire des fictions – il parle en l’occurrence des tragédies - qui soient réalistes. Il emploie le terme de « vraisemblables ». Pour lui ce qui rend vraisemblable une fiction, c’est d’abord la chronologie sur laquelle repose le récit, ce sont les rapports logiques et temporels de la narration. Pour être vraisemblable, celle-ci doit pouvoir être ramenée à une linéarité, sans que cela n’interdise l’ellipse, les sauts en avant, ou en arrière.

On parlera de réalisme au cinéma, lorsque les spectateurs adhérent à l’univers représenté comme allant de soi, car il demeure dans un contexte vraisemblable, lorsque nous reconnaissons la cohérence de l’univers diégétique échafaudé par la fiction.

Cependant le réalisme au cinéma demeure une chose complexe, car y réfléchir nous pousse à comparer le cinéma avec les autres arts ou modes de représentation, et à conclure, tel que l’a fait André Bazin, que le cinéma est le mode de représentation le plus à même de reproduire la réalité. Or nous ne devons pas oublier que le réalisme n’est pas intrinsèquement lié à la technique du cinéma. Rappelons les impressions de Gorki après avoir assister pour la première fois à une projection de films Lumière en 1896 : « J'étais hier au Royaume des Ombres. Si seulement vous saviez comme cela est étrange. Un monde sans couleur, sans son. Tout ici – la terre, l'eau et l'air, les arbres, les gens – tout est fait d'un gris monotone. Les rayons gris du soleil brillent dans un ciel gris. Les yeux sont gris dans des visages gris, grises aussi les feuilles des arbres. Ce n'est pas la vie, mais son ombre, ce n'est pas le mouvement, mais son spectre muet. J'ai vu le cinématographe Lumière,... »[1] Cette réflexion de Gorki nous rappelle que le réalisme aux premiers temps du cinéma ne va pas de soi.

Il est important de distinguer, comme le propose le manuel Esthétique du film[2], le réalisme des matières de l’expression (images et sons) et le réalisme des sujets filmés. Le premier est lié à des codes cinématographiques qui divergent d’une période à l’autre. « Le réalisme apparaît alors comme un gain de réalité, par rapport à un état antérieur du mode de représentation. Mais ce gain est infiniment reconductible, du fait des innovations techniques, mais aussi parce que la réalité, elle, n’est jamais atteinte. »[3] Le second (le réalisme du sujet) se retrouve par exemple dans les films italiens de l’après-guerre que Bazin a définis comme « néo-réalistes » et avec lesquels le film de Cantet offre des similitudes : tournage en décors naturels, recours à des acteurs non professionnels, scénario se rapportant à des personnages simples (par opposition aux héros à statut extraordinaire), et où l’action se raréfie (par opposition aux évènements spectaculaires), cinéma de peu de moyens donnant plus de liberté au réalisateur. En fait pour les films néo-réalistes italiens, comme aujourd’hui pour Entre les murs, il s’agissait de gommer le plus possible l’institution cinématographique (les studios, les acteurs renommés, …), et d’effacer ainsi les marques de l’énonciation qui disaient : « c’est du cinéma. »

Le réalisme du film s’appuie tout d’abord sur le roman de François Bégaudeau dont le film est une libre adaptation, et qui a surtout servi, selon les affirmations de Cantet, à fournir une matière documentaire au film, un regard de l’intérieur qu’il n’aurait jamais eu même en se mettant au fond d’une salle pendant un an. Dans le roman, c’est aussi le personnage du professeur qui l’a beaucoup intéressé, sa façon d’être avec les élèves. Ensuite le réalisme s’appuie sur une méthode (longue phase de casting simultanée à la réécriture du scénario), des choix de tournage (décors réels, équipe légère), de mise en scène (trois caméras la plupart du temps dans une seule salle de classe), de montage et de mixage (son direct).



[1] Propos de Gorki rapportés p. 28 par NINEY François, L’Epreuve du réel à l’écran Essai sur le principe documentaire, De Boeck Université, 2002.

[2] AUMONT Jacques, BERGALA Alain, MARIE Michel, VERNET Marc, Esthétique du film, Nathan Université, 1983, p. 95 à 100.

[3] Ibid. p.96

à la suite d’autres films sur l’école





ELM vient à la suite d’un certains nombre de films dont le sujet principal est le milieu scolaire. En fait les cinéastes ont très souvent pris comme décor le milieu scolaire, comme lieu évident de rencontres des personnages d’une intrigue. Un certain nombre aussi en ont fait le thème ou le sujet principalement abordé dans leur film. D’emblée nous éliminerons les reconstitutions historiques d’une école du passé telle qu’on peut la voir dans les Choristes (Christophe Barratier, 2004), ou les Hauts murs (Christian Faure, France, 2008), parce que ces représentations n’ont rien a voir avec les questionnements sur la société contemporaine de Laurent Cantet.
Nous éliminerons aussi les comédies burlesques qui ont pour cadre le collège, le lycée ou la fac, tels que la série des Américan Pie, et en France les P.R.OF.S (Patrick Schulmann,1985) et autres Sous doués (Claude Zidi, 1980), parce que dans ces films l’école est réduit à un décor point de rencontre évident entre les personnages, et ne constitue pas un sujet comme dans ELM. Rares en effet sont les films qui ont pour sujet l’école, sûrement parce que ce sujet à priori ne semble pas passionnant, connu de tous, et ne contenant pas en lui beaucoup de possibilités de surprises narratives.
Retenons ici cependant quelques films qui ont évoqué le sujet de l’école, sans se contenter de l’effleurer.
Dans Zéro de conduite, Jean Vigo nous présente la vie d’un collège de 1933, avec ses chahuts, et ses punitions. A l’enthousiasme et l’insouciance désordonnée et légère des collégiens répond la sévérité implacable, pesante, oppressante des enseignants montrés sous un jour grotesque, voire ambigu et malsain. A la fois film poétique sur l’enfance, et à la fois film de révolte, Zéro de conduite montre l’école comme un endroit où la prétention, l’incompétence, le sadisme des adultes légitime la rébellion des enfants. Malgré l’aspect documentaire des premières séquences, le trait est forcé. Il ne s’agit pas de présenter des personnages tels qu’on en trouve dans les internats de 1933, mais plutôt de montrer un autoritarisme inacceptable, et la libération et l’émancipation que provoque la révolte collective contre ce qui est ressenti comme inacceptable.
Prenons la séquence du cours de chimie lors de laquelle Viot, le corpulent et transpirant enseignant, caresse le blond et frêle Tabard. Les plans nous montrent le corps de Viot écrasé par la plongée, ayant du mal à se mouvoir, dont la lenteur des gestes, indifférent aux regards des élèves qui, pour lui, n’existent pas, indique le pouvoir absolu. Ils nous montrent le corps de Tabard, au milieu de ses semblables, aux genoux et cuisses dénudés, la tête entre les mains, renfrogné d’avoir subi la caresse de la main de son professeur dans les cheveux. Puis, après l’insert de la grosse main de Viot posée sur celle de Tabard et la caressant, qui nous fait toucher l’insupportable de ce geste, et l’abus de pouvoir qu’il implique, nous retrouvons dans un même plan et face à face les deux corps de l’enseignant et de l’élève qui s’affrontent. Ce plan d’affrontement réunit le professeur et l’élève. Le premier est penché vers le pupitre. Sa silhouette massive est dédoublée d’une part par l’imposante masse sombre de la chaire professorale qui apparaît au premier plan à gauche et souligne son autorité, et d’autre part par la présence d’un squelette qui souligne ses pulsions mortifères. Le second se dresse furieusement en lançant son désormais célèbre : « Eh ben moi je vous dis… je vous dis : merde ! »
Ce plan d’affrontement exprime le pouvoir absolu, insupportable, et qu’il faut faire basculer. Le propos de Jean Vigo est de nous montrer le pouvoir libérateur de la révolte quand elle est collective, et contre quelque chose ressentie comme intolérable (l’autorité absurde de quelques-uns). Les affrontements professeur – élèves sont aussi nombreux dans ELM, mais ils sont d’un autre ordre. Il s’agit de laisser s’exprimer toutes les paroles, et de jouer le jeu de quelque chose qui ressemble à la démocratie. Et d’ailleurs Cantet ne réunira jamais dans un seul plan les deux parties qui s’affrontent, évitant ainsi de charger de symboles une image réunissant le pouvoir et la soumission, préférant faire alterner des plans brefs et cadrés assez serrés sur les différents protagonistes. Chez Vigo, le pouvoir montré est abusif, chez Cantet il se remet sans cesse en question.




L’école est aussi au centre de Graine de violence (Richard Brook, Etats-Unis, 1955). Ce film met en scène les rapports compliqués d’un professeur d’anglais et des élèves d’un centre professionnel. Il sera le premier d’une longue série sur le système éducatif américain, dont Le cercle des poètes disparus (Peter Weir, 1990) ou Elephant (Gus Van Sant, 2003, palme d’or à Cannes) en sont des exemples.

En Grande Bretagne, If, de Lindsay Anderson (1968) montre trois étudiants en uniforme qui à la fête de fin d’année, en guise de confettis, jettent des grenades, mitraillettes au poing, tirant sur les enseignants et les représentants de l’ordre présents (en hommage à la scène de la fête de Zéro de Conduite de Jean Vigo). Ce sera aussi un film auquel le jury de cannes attribuera la palme d’or.


On peut bien sûr confronter l’approche de Laurent Cantet de celle des documentaristes qui se sont attachés à décrire l’institution, relativement fermée, de l’école, à faire voir ce qui se passait « entre les murs », comme Frédérick Wiseman qui tourna High School I et II en 1968 et 1994 dans le collège tristement devenu célèbre, Columbine. Wiseman, comme Cantet, ou encore comme Claire Simon dans Récréations (1993), s’intéresse à la réalité sociale de son époque.
Il en est de même dans le feuilleton documentaire La Loi du collège (1994, 6 × 26 minutes), où la cinéaste Mariana Otero filme les élèves, les enseignants, la salle des professeurs et le bureau du principal d’un collège de Seine-Saint-Denis pendant une année scolaire entière. Elle capte les moments forts, mais aussi les petits évènements, les espoirs, les heurts, le malaise des adultes, des enfants, les mesures disciplinaires et les menaces de grève. Ce travail de fond durant toute une année n’est pas sans rapport avec le travail de Laurent Cantet. Pour la cinéaste qui a déjà tourné en prison, il s’agit cette fois de voir comment la loi est inculquée, et le collège est pour elle le lieu évident où ce travail d’apprentissage et d’intégration des lois est fait. Mariana Otero et Laurent Cantet sont deux cinéastes travaillés par la question du groupe, et par la question sociale et politique Pourtant ils n’ont pas de messages à délivrer, de thèse à développer. Tous deux se posent plutôt comme observateurs d’une situation qu’ils tentent de rendre dans sa complexité. Observer comment la loi est énoncée, négociée, pratiquée pour la première. Observer comment la parole circule dans une situation d’apprentissage, mais surtout de pouvoir et d’autorité, pour le second.
Un autre point commun aux deux films : le choix de la même durée (le rythme d’une année scolaire) et du même espace (le collège, comme huis clos). Otero et Cantet ont choisi de donner du temps au temps, l’une en tournant pendant un an, l’autre en étalant des ateliers avec les futurs interprètes pendant un an aussi.
La grande différence réside dans la méthode. Si l’ambition est comparable, la méthode est différente. Pour documenté qu’il soit (cela est largement développé dans la partie III de ce mémoire), ELM est bien une fiction, scénarisée et mise en scène (voir la partie IV). La fiction de Cantet se révéle au fil du film, parce qu’une dramaturgie s’impose doucement, une histoire se dégage, le professeur dérape, l’histoire s’attarde sur quelques personnages, puis se termine sur l’exclusion de l’un d’entre eux. La méthode documentaire de Mariana Otero est plus globale. Elle filme davantage les réunions, les couloirs et la cour. Tout le collège est visé. Cette différence se ressent d’autant plus lorsque qu’on compare les deux films. Elle retrouve dans la qualité des images obtenues. Cantet a beau reconnaitre n’avoir jamais chercher à faire une belle image, ses images sont plus nettes, plus ciselées, que celle d’Otero parce qu’elle, elle n’a pas mis en scène, mais pris sur le vif.

La loi du collège, Mariana Otero
Prenons la fin du premier épisode. Ryad, un élève passionné de danse, a obtenu quelques salles du collège le soir après les cours pour animer un groupe de danse. Mais voilà qu’un soir cela dégénère : une chaise vole par la fenêtre et le principal excédé vient mettre tout le monde dehors et mettre un terme définitif à l’expérience. Mais Ryad refuse de voir tous ses efforts réduits à néant « en un geste, en un acte, un acte de bébé ». Il rappelle les danseurs et exige que le
coupable se dénonce. Son discours est sidérant de maturité, de clairvoyance et de désespoir. Le moment est saisissant, mais formellement les images restent médiocres, envahies au premier plan par les têtes des danseurs de dos. Le visage de Ryad, narrativement au centre de cette scène, apparaît dans le coin supérieur droit, à peine éclairé par moment. Ce plan dure près de cinquante secondes.
Elles ont été conservées tout de même par la cinéaste, car le moment est fort du point de vue narratif. La loi du collège se présente comme un feuilleton documentaire, et qui dit feuilleton, dit progression dramatique. Ce qui a été gardé au montage par Otero, sur les deux cents heures de rush, l’a visiblement été d’un point de vue dramatique. On peut donc dire qu’ici le travail de montage rejoint un travail scénaristique proche de la fiction. Si Cantet transpose la réalité dans la fiction, Otero filme une réalité à partir de laquelle elle construit un récit. Avec Cantet, la fiction s’installe dès les phases simultanées du casting et de l’écriture. Avec Otero, la fiction s’insinue au moment du montage. Cela fait toute la différence entre un film de fiction et un film documentaire.


Ça commence aujourd’hui, de Bertrand Tavernier (1999), raconte les difficultés professionnelles d’un instituteur, interprété par Philippe Torreton, dans un quartier très pauvre de Valenciennes. Comme dans ELM, une partie des acteurs (les enfants, leurs parents) sont non professionnels et recrutés sur place pour interpréter des rôles qui leur sont proches. Mais la différence majeure avec le travail de Cantet, c’est que l’histoire racontée par Tavernier illustre une thèse : l’éducation nationale manque de moyens, surtout dans les quartiers ravagés par le chômage et la précarité. L’état se repose totalement sur les épaules de quelques fonctionnaires qui tantôt se montrent courageux (comme Daniel, l’instituteur joué par Torreton, ou Samia la puéricultrice de la PMI interprétée par Nadia Kaci) et de bonne volonté, et tantôt craquent (la dépression de la collègue de Daniel, la démission de Daniel à la fin du film). L’institution, en ne fournissant ni les moyens supplémentaires dont ces quartiers ont besoin, ni le soutien de la hiérarchie (voir le personnage de l’inspecteur d’académie) risque de voir bientôt ces quartiers imploser. Chez Cantet, contrairement à Tavernier, il n’y a pas de thèse toute faite, seulement des questionnements.

lundi 4 mai 2009

Le traitement de l’image

Si Laurent Cantet est un réalisateur qui s’intéresse à la réalité de la société dans laquelle il vit, son choix est depuis son premier film de fabriquer des fictions. Et même si ces fictions sont ancrées dans une matière documentaire fouillée, elles s’affichent avant tout comme des histoires de cinéma inventées. C’est sans doute que le cinéaste est conscient de la capacité qu’a la caméra de transformer d’emblée les objets qu’elle filme.

Comme l’affirmait André Bazin, tout sujet une fois à l’écran prend une dimension esthétique. Même ce qui se veut être une prise directe devient esthétique. Il y a quelque chose dans l’appareil lui-même qui transforme. En 1947, il écrit à propos d’un festival de films scientifiques : « Lorsque Muybridge ou Marey réalisaient les premiers films d’investigation scientifiques, ils n’inventaient pas seulement la technique du cinéma, il créaient du même coup le plus pur de son esthétique. Car c’est la le miracle du film scientifique, son inépuisable paradoxe. C’est à l’extrême pointe de la recherche intéressée, utilitaire, dans la proscription la plus absolue des intentions esthétiques comme telles, que la beauté cinématographique se développe par surcroît comme une grâce surnaturelle. Quel ciné d’ « imagination » eût pu concevoir et réaliser la fabuleuse descente aux enfers de la bronchoscopie des tumeurs des bronches, où toutes les lois de la « dramatisation » de la couleur sont naturellement impliquées dans les sinistres reliefs bleuâtres dégagés par un cancer visiblement mortel. Quels trucages optiques eussent été capables de faire naître le ballet féerique de ces animalcules d’eau douce s’ordonnant par miracle sous l’oculaire comme dans un kaléidoscope ? Quel chorégraphe de génie, quel peintre en délire, quel poète pouvaient imaginer ces ordonnances, ces formes et ces images ? La caméra seule possédait le sésame de cet univers où la beauté s’identifie tout à la fois à la nature et au hasard : c'est-à-dire à tout ce qu’une certaine esthétique traditionnelle considère comme tout le contraire de l’art. (…) Qui n’a pas vu cela ignore jusqu’où peut aller le cinéma. »[1]

Bien sûr Entre Les Murs n’est ni un film scientifique, ni même un documentaire. Mais Cantet, dans sa façon de faire, semble avoir tiré les leçons de la remarque de Bazin. Il fait confiance à la caméra pour laisser surgir la beauté au hasard des scènes. Sa caméra- ou plutôt ses trois caméras- sont mobiles au milieu d’un décor naturel et tournent dans la durée pour ausculter le microcosme qui y est à l’œuvre. Il en résulte des images qui paraissent prises sur le vif, mais dont surgit aussi une esthétique qui tient aux couleurs (le vert du tableau et des murs), à la disposition (qui rappelle la représentation théâtrale), et aux mouvements des corps (qui s’agitent énormément dans leur relative immobilité).

Les cadrages presque toujours à l’épaule ne sont visiblement pas étudiés à l’avance, soignés avec précision. Ils cherchent à capter des mots, des paroles, des expressions, des pensées sur les visages des protagonistes qui sont filmés longuement, presque scientifiquement. Cantet sait jusqu’où peut aller le cinéma.

Mais dans le même temps, le cinéma de Cantet semble avoir conscience que la caméra, plus que tout autre appareil a la faculté de nous parler du monde. C’est l’idée très féconde de Siegfried Kracauer dans Theory of film, selon laquelle la caméra permet d’enregistrer ce qui existe dans la réalité, mais aussi révéler ce qui n’est pas accessible à l’œil humain.

Tout d’abord la caméra de Cantet permet de nous faire accéder à un certain univers actuel, celui du collège d’un quartier parisien habité par des personnes de niveaux sociaux inégaux et d’origines très différentes. Cet univers existe dans la réalité, mais n’est accessible qu’aux habitants de ce quartier, ou de quartiers similaires d’autres grandes villes de France. Ensuite, par sa place au cœur d’une classe, et par ses cadrages, la plupart du temps très serrés sur les personnages, la caméra de Cantet, par les petits gestes et les regards qu’elle capte, recueille des attitudes de concentration, d’écoute, mais aussi de d’incompréhension ou de rêverie, voire de provocation. Elle recueille aussi des sentiments : la fierté, la perplexité, l’agacement, la honte, la gêne … Et l’ensemble de ces attitudes ou sentiments rendus accessibles aux spectateurs par la caméra, n’est dans la réalité accessible pour personne, de sorte que la réalité de la classe fictive de Cantet est une réalité plus accessible que celle d’une classe réelle. Enfin, toujours par sa place et ses cadrages, la caméra de Cantet donne la tonalité au film : il s’agit de faire état d’une situation dans laquelle les personnages sont pris sans aucun jugement de valeur par le cinéaste. Ni complètement positifs, ni complètement négatifs, les personnages sont envisagés dans leur complexité, avec leurs contradictions. Ainsi François, le professeur de français, est bien sûr un homme courageux, qui cherche à communiquer au mieux avec ses élèves, leur laissant énormément la parole, pour les entraîner sur les chemins de la connaissance, mais c’est aussi l’homme incapable d’accepter les conséquences de sa pédagogie parfois démagogique. Ainsi il permet que les élèves enfreignent dans sa classe certaines règles de l’établissement (utiliser leur portable), mais refuse le tutoiement. Il est montré dans ses efforts et dans sa réussite pédagogique, mais aussi dans ses dérapages verbaux, lorsqu’il utilise le mot « pétasses » pour s’adresser aux deux déléguées par exemple. De la même façon Souleymane, le caïd et le cancre, est capable de produire un bel effort pour son autoportrait.

Tel un Robert Flaherty qui impressionna 70 000 mètres de pellicule pendant son séjour d’un an et demi sur l’île d’Aran, Laurent Cantet a laissé tourner trois caméras simultanément dans le collège d’Entre les murs, hissant le nombre d’heures de rush à cent cinquante. Tout deux ont en effet l’idée que la caméra fonctionne comme un capteur, révélateur d’un mystère qu’elle peut voir mieux que l’œil humain. Il faut lui laisser le plus de chance de capter le détail qui fera révélation, le détail apte à raconter davantage. En cela ils rejoignent la conception du « ciné-œil » de Dziga Vertov qui pensait que l’objectif voit mieux que l’œil humain, et qu’il analyse beaucoup mieux la réalité.



[1] BAZIN André, L’Ecran Français, 21 octobre 1947, repris dans Qu’est-ce que le cinéma ? , tome I, sous le titre « à propose de Jean Painlevé », Editions du Cerf, 1976 et repris dans Le Cinéma Français de la Libération à La Nouvelle Vague, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, sous le titre « Beauté du hasard Le film scientifique », 1983.

Si Laurent Cantet est un réalisateur qui s’intéresse à la réalité de la société dans laquelle il vit, son choix est depuis son premier film de fabriquer des fictions. Et même si ces fictions sont ancrées dans une matière documentaire fouillée, elles s’affichent avant tout comme des histoires de cinéma inventées. C’est sans doute que le cinéaste est conscient de la capacité qu’a la caméra de transformer d’emblée les objets qu’elle filme.

Comme l’affirmait André Bazin, tout sujet une fois à l’écran prend une dimension esthétique. Même ce qui se veut être une prise directe devient esthétique. Il y a quelque chose dans l’appareil lui-même qui transforme. En 1947, il écrit à propos d’un festival de films scientifiques : « Lorsque Muybridge ou Marey réalisaient les premiers films d’investigation scientifiques, ils n’inventaient pas seulement la technique du cinéma, il créaient du même coup le plus pur de son esthétique. Car c’est la le miracle du film scientifique, son inépuisable paradoxe. C’est à l’extrême pointe de la recherche intéressée, utilitaire, dans la proscription la plus absolue des intentions esthétiques comme telles, que la beauté cinématographique se développe par surcroît comme une grâce surnaturelle. Quel ciné d’ « imagination » eût pu concevoir et réaliser la fabuleuse descente aux enfers de la bronchoscopie des tumeurs des bronches, où toutes les lois de la « dramatisation » de la couleur sont naturellement impliquées dans les sinistres reliefs bleuâtres dégagés par un cancer visiblement mortel. Quels trucages optiques eussent été capables de faire naître le ballet féerique de ces animalcules d’eau douce s’ordonnant par miracle sous l’oculaire comme dans un kaléidoscope ? Quel chorégraphe de génie, quel peintre en délire, quel poète pouvaient imaginer ces ordonnances, ces formes et ces images ? La caméra seule possédait le sésame de cet univers où la beauté s’identifie tout à la fois à la nature et au hasard : c'est-à-dire à tout ce qu’une certaine esthétique traditionnelle considère comme tout le contraire de l’art. (…) Qui n’a pas vu cela ignore jusqu’où peut aller le cinéma. »[1]

Bien sûr Entre Les Murs n’est ni un film scientifique, ni même un documentaire. Mais Cantet, dans sa façon de faire, semble avoir tiré les leçons de la remarque de Bazin. Il fait confiance à la caméra pour laisser surgir la beauté au hasard des scènes. Sa caméra- ou plutôt ses trois caméras- sont mobiles au milieu d’un décor naturel et tournent dans la durée pour ausculter le microcosme qui y est à l’œuvre. Il en résulte des images qui paraissent prises sur le vif, mais dont surgit aussi une esthétique qui tient aux couleurs (le vert du tableau et des murs), à la disposition (qui rappelle la représentation théâtrale), et aux mouvements des corps (qui s’agitent énormément dans leur relative immobilité).

Les cadrages presque toujours à l’épaule ne sont visiblement pas étudiés à l’avance, soignés avec précision. Ils cherchent à capter des mots, des paroles, des expressions, des pensées sur les visages des protagonistes qui sont filmés longuement, presque scientifiquement. Cantet sait jusqu’où peut aller le cinéma.

Mais dans le même temps, le cinéma de Cantet semble avoir conscience que la caméra, plus que tout autre appareil a la faculté de nous parler du monde. C’est l’idée très féconde de Siegfried Kracauer dans Theory of film, selon laquelle la caméra permet d’enregistrer ce qui existe dans la réalité, mais aussi révéler ce qui n’est pas accessible à l’œil humain.

Tout d’abord la caméra de Cantet permet de nous faire accéder à un certain univers actuel, celui du collège d’un quartier parisien habité par des personnes de niveaux sociaux inégaux et d’origines très différentes. Cet univers existe dans la réalité, mais n’est accessible qu’aux habitants de ce quartier, ou de quartiers similaires d’autres grandes villes de France. Ensuite, par sa place au cœur d’une classe, et par ses cadrages, la plupart du temps très serrés sur les personnages, la caméra de Cantet, par les petits gestes et les regards qu’elle capte, recueille des attitudes de concentration, d’écoute, mais aussi de d’incompréhension ou de rêverie, voire de provocation. Elle recueille aussi des sentiments : la fierté, la perplexité, l’agacement, la honte, la gêne … Et l’ensemble de ces attitudes ou sentiments rendus accessibles aux spectateurs par la caméra, n’est dans la réalité accessible pour personne, de sorte que la réalité de la classe fictive de Cantet est une réalité plus accessible que celle d’une classe réelle. Enfin, toujours par sa place et ses cadrages, la caméra de Cantet donne la tonalité au film : il s’agit de faire état d’une situation dans laquelle les personnages sont pris sans aucun jugement de valeur par le cinéaste. Ni complètement positifs, ni complètement négatifs, les personnages sont envisagés dans leur complexité, avec leurs contradictions. Ainsi François, le professeur de français, est bien sûr un homme courageux, qui cherche à communiquer au mieux avec ses élèves, leur laissant énormément la parole, pour les entraîner sur les chemins de la connaissance, mais c’est aussi l’homme incapable d’accepter les conséquences de sa pédagogie parfois démagogique. Ainsi il permet que les élèves enfreignent dans sa classe certaines règles de l’établissement (utiliser leur portable), mais refuse le tutoiement. Il est montré dans ses efforts et dans sa réussite pédagogique, mais aussi dans ses dérapages verbaux, lorsqu’il utilise le mot « pétasses » pour s’adresser aux deux déléguées par exemple. De la même façon Souleymane, le caïd et le cancre, est capable de produire un bel effort pour son autoportrait.

Tel un Robert Flaherty qui impressionna 70 000 mètres de pellicule pendant son séjour d’un an et demi sur l’île d’Aran, Laurent Cantet a laissé tourner trois caméras simultanément dans le collège d’Entre les murs, hissant le nombre d’heures de rush à cent cinquante. Tout deux ont en effet l’idée que la caméra fonctionne comme un capteur, révélateur d’un mystère qu’elle peut voir mieux que l’œil humain. Il faut lui laisser le plus de chance de capter le détail qui fera révélation, le détail apte à raconter davantage. En cela ils rejoignent la conception du « ciné-œil » de Dziga Vertov qui pensait que l’objectif voit mieux que l’œil humain, et qu’il analyse beaucoup mieux la réalité.



[1] BAZIN André, L’Ecran Français, 21 octobre 1947, repris dans Qu’est-ce que le cinéma ? , tome I, sous le titre « à propose de Jean Painlevé », Editions du Cerf, 1976 et repris dans Le Cinéma Français de la Libération à La Nouvelle Vague, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, sous le titre « Beauté du hasard Le film scientifique », 1983.

La bande son

Le réalisme d’ELM est en partie dû à la bande son constituée, en prise directe, des innombrables discussions qui animent cette classe, mais aussi des débats entre enseignants. Pas de musique ajoutée. Ni d’effet de bruitage ou de mixage sonore remarquable.

Mais à l’écoute attentive de la bande son, on peut faire trois remarques.

D’abord la musique n’est pas totalement absente du film. Juste quelques discrètes notes de piano s’égrainent à la fin de la réunion avec les parents dans la séquence 15[1]. Cette musique sans doute ajoutée au montage, aussi discrète soit-elle, a une raison d’être. Prise en son extra-diégétique, elle peut souligner l’état de mélancolie de François, après ces entretiens où les grandes différences de niveaux sociaux de ses élèves éclatent au grand jour. Mais ce piano peut appartenir à la diégèse. Il provient peut-être de la salle de musique voisine dans laquelle l’enseignant peu sollicité par les parents, tâche de passer le temps sur son piano, comme cela arrive fréquemment dans les véritables réunions parents-professeurs. Cette musique, même discrète, est donc un effet de réel, au sens ou Roland Barthes l’entendait. Elle est un détail, à peine perceptible, mais étant évident, comme la présence du baromètre dans le salon de Madame Aubin dans Un cœur simple de Flaubert. Cette musique, pourtant unique dans le film, et de plus très discrète, ne produit pas de sens, ne joue pas de rôle particulier dans le récit, mais le récit l’accueille sans problème. La signification de cette insignifiance c’est de dénoter un réel concret. Notons que cette musique est reprise de manière plus appuyée, et dans une toute autre optique, dans la bande annonce du film. Dans la bande annonce, le piano constitue l’élément qui dit : « c’est une fiction. »

Ensuite il y a bien un montage sonore, lorsqu’on entend la voix off de Khoumba qui lit son texte sur le respect et fait le lien entre les séquences 13 et 14.

Enfin les bruitages du générique de fin.

L’immense majorité du son est constitué par le jaillissement de la parole, jaillissement d’autant plus énergique chez les élèves, que les corps sont contenus dans la contrainte de l’immobilité pendant les heures de classe. L’énergie du verbe est d’ailleurs mise en valeur par le dispositif filmique mis en place par Laurent Cantet.[2] Ce travail sur la langue des élèves était justement l’un des traits marquants du roman de François Bégaudeau, constitué de courtes sections essentiellement dialoguées.

Le langage est un médium essentiel de l’apprentissage, chaque séance étant basée sur un jeu de questions-réponses. Ensuite le langage est également vecteur de conflits entre les personnages. Enfin le langage est aussi un objet d’étude et de réflexion. Ce n’est pas par hasard qu’ELM se déroule dans un cours de français, c’est-à-dire précisément là où on étudie la langue et où on apprend à la maîtriser.

La séquence de l’imparfait du subjonctif (séquence 7) est à cet égard révélatrice.



[1] voir en annexe le découpage du film.

[2] Voir la description de ce dispositif filmique dans partie III. D.

Sites Internet consultés

AFC Association Française des directeurs de la photographie Cinématographique

Propos de Pierre Milon recueillis par François Reumont pour l’association, publiés sur http://www.afcinema.com/Entre-les-murs.html

Bienvenue au Sénat Un site au service du citoyen

Travaux parlementaires, Rapports d'information : « L'évolution du secteur de l'exploitation cinématographique. » http://www.senat.fr/rap/r02-308/r02-30817.html

Cinergie.be La Revue et l’Annuaire du Cinéma et de l’Audiovisuel en Communauté française de Belgique

Dossier numérique : films tournés en HD, webzine n° 82 du 01- O4- 2004 http://www.cinergie.be/article.php?action=display&id=137

CINEUROPA Un site dédié au cinéma européen

Propos de Carole Scotta recueillis par Fabien Lemercier pour « cineuropa », publiés sur http://cineuropa.org/ffocusinterview.aspx?lang=fr&documentID=86637&treeID=1607

CNETFRANCE.FR Mieux vivre les technologies. Caractéristiques et description du caméscope Panasonic AG-HVX200 http://www.cnetfrance.fr/produits/camescopes-appareils-photos-numeriques/panasonic-ag-hvx200-39345939_2t.htm

Entre les murs le site officiel. Propos de Laurent Cantet et François Bégaudeau recueillis par Philippe Mangeot, pour Haut et Court, publiés sur http://www.entrelesmurs-lefilm.fr/site/index.php/2008/07/15/7-entretien-avec-laurent-cantet-et-francois-begaudeau )

PBS Professional & broadcast services

PBS est une société de distribution et de négoce de matériel Audiovisuel professionnel et broadcast. Caractéristiques et description du caméscope DVCPROHD 720P "VARICAM" http://www.pbs-video.com/panasonic-aj-hdc27he--p-1958.html

Nidinfo.com Audiovisuel. Cinéma numérique. Le portail des professionnels de l’audiovisuel – cinéma numérique. « La révolution numérique au cinéma » http://www.nidinfo.com/html/tdx_1.html

SUR VOS ECRANS L’actualité des professionnels de l’audiovisuel, du cinéma et des médias numériques.

http://www.survosecrans.com/2008/09/27/premiere-sortie-numerique-%C2%AB-sans-copie-%C2%BB-en-europe-pour-entre-les-murs-palme-dor-du-festival-de-cannes-2008/

TELERAMA.FR

RIGOULET Laurent, « Cannes,vendredi 22mai 15h30, sur une terrasse du Palais des Festivals, Laurent Cantet, réalisateur de Entre les murs », film de 7 minutes réalisé par Jean-baptiste ROCH pour Télérama.fr, 2008.


BIBLIOGRAPHIE


I. HISTOIRE ET ESTHETIQUE DU CINEMA

AUMONT Jacques, BERGALA Alain, MARIE Michel, VERNET Marc, Esthétique du film, Nathan Université, 1983.

AUMONT Jacques, MARIE Michel, l’analyse des films, Nathan ,1988.

JULLIER Laurent, L’analyse de séquences, Nathan cinéma, 2003

PREDAL René, Le jeune cinéma français, Nathan/VUEF, 2002.

II. SOCIOLOGIE

BOURDIEU Pierre, La Distinction, coll. Les éditions de Minuit, 1979.

ETHIS Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Armand Colin, 2007.

MORIN Edgar, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Les éditions de Minuit, 1956.

III. PROBLEMATIQUE FICTION/REEL

1. Les ouvrages

AUMONT Jacques et MARIE Michel, Dictionnaire théorique et critique, Armand Colin, 2008.

ARISTOTE, Poétique, IVème siècle avant notre ère, traduction, présentation et notes de MAGNIEN Michel, Livre de Poche, 1990.

BARTHES Roland, « L'effet de réel », Communications, 11, 1968. préciser les références

COMOLLI Jean-Louis, Voir et pouvoir, L‘innocence perdue : cinéma, télévision, fiction, documentaire, Verdier, 2004.

CAVELL Stanley, La Projection du Monde ( The World Viewied, Reflections on the ontology of film, 1971), Belin, 1999 pour la traduction française.

GAUTHIER Guy, Le Documentaire un autre Cinéma, Nathan, 1995.

GUYNN William, Un cinéma de Non-Fiction, le documentaire classique à l’épreuve de la théorie, Publications de l’Université de Provence, 2001.

NINEY François, L’Epreuve du réel à l’écran Essai sur le principe documentaire, De Boeck Université, 2002.

ROSSIGNOL Véronique et le service de la médiation culturelle et pédagogique de la BiFi (réalisé par), Filmer le réel, Ressources sur le cinéma documentaire, BiFi, 2001.

VAN DER KEUKEN Johan, Johan VAN DER KEUKEN aventures d’un regard : films, photos, textes, Cahiers du cinéma, 1998.

2. Les articles

BAZIN André, L’Ecran Français, 21 octobre 1947, repris dans Qu’est-ce que le cinéma ? , tome I, sous le titre « à propose de Jean Painlevé », Editions du Cerf, 1976 et repris dans Le Cinéma Français de la Libération à La Nouvelle Vague, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma, sous le titre « Beauté du hasard Le film scientifique », 1983.

BAZIN André, « La terre tremble », Qu’est-ce que le cinéma ? , éditions du Cerf, 1999, p. 289 à 293. Esprit, décembre 1948.

Dans le réel la fiction, dirigé par NINEY François, Groupement national des cinémas de recherche, 1993.

GAUTHIER Guy, « Le Documentaire », Encyclopedia Universalis, 2008.

SADOUL Georges, Rencontres 1, Chroniques et entretiens (textes rassemblés par Bernard Eisenschitz), Denoël, 1984, « Grandeur de Luchino Visconti La terra trema » p. 323 à 326. Les Lettres Françaises n°398, 24 janvier 1952.

TREMOLIERES François, « La fiction », Encyclopedia Universalis, 2008.

IV. SUR LE CINEMA ET L’ECOLE

1. Les ouvrages

BATICLE Y., Le professeur à l’écran, éditions du Cerf, 1971.

MAGNY Joël, Zéro de conduite, dossier 128 Collège au cinéma, édité pour le compte du CNC, 2002.

2. les articles

PAQUIS Alexandre, « Les colles républicaines, un classique du genre graine de violence de Richard Brooks », p. 25 de Versus Contrepoint sur le cinéma n° 14, novembre 2008.

ZUGASTI Nicolas, « Les années de plomb dans la tête, Le rapport autorité/enseignement au cinéma, La loi et l’ordre dans la classe », p. 22 à 24 de Versus Contrepoint sur le cinéma n° 14, novembre 2008.

V. SUR LAURENT CANTET ET SUR Entre les murs

1. Les ouvrages

BEGAUDEAU François, Entre les murs, Gallimard, 2006.

BEGAUDEAU François, CAMPILLO Robin, CANTET Laurent, Le Scénario du film Entre les murs, Gallimard, 2008.

CHAUVILLE Christophe, Ressources humaines Un film de Laurent Cantet, dossier Lycéens au cinéma, édité par la BIFI, 2001.

LEBTAHI Yannick et ROUSSEL-GILLET Isabelle, Pour une méthode d’investigation du cinéma de Laurent Cantet Les déplacés, vertiges de soi, L’Harmattan, 2005.

2. Les articles

DE BRUYN Olivier, « Entre les murs République, année zéro », Positif n° 571, p.24 à 25, septembre 2008.

LE DIGUOU Fabien, « Salle de clashes », p.20 à 21 de Versus contrepoint de vue sur le cinéma n°14, novembre 2008.

NEYRAT Cyril, « Sans étiquette », Cahiers du Cinéma n°635, juin 2008.

RENZI Eugénio, « à égalité », Cahiers du Cinéma n°637, p. 19 à 21, septembre 2008.

RENZI Eugénio et THIRION Antoine, « La muraille de Cannes (François, Che et Rita) », Cahiers du Cinéma n°635, juin 2008.

3. les entretiens accordés par Laurent Cantet

BAUREZ Thomas, « Leçon de cinéma, Laurent Cantet », Studio magazine n° 249, p.62 à 65, septembre 2008.

BURDEAU Emmanuel et THIRION Antoine, « Entretien avec Laurent Cantet », Cahiers du Cinéma n°637, p. 8 à 18, septembre 2008.

DOMENACH Elise et VALENS Grégory, « Entretien avec Laurent Cantet Une envie d’accidents », Positif n° 571, p.28 à 31, septembre 2008.

LEHERPEUR Xavier, « Laurent Cantet La classe internationale », Ciné Live n°127, p. 60 et 61, octobre 2008.