lundi 4 mai 2009

La bande son

Le réalisme d’ELM est en partie dû à la bande son constituée, en prise directe, des innombrables discussions qui animent cette classe, mais aussi des débats entre enseignants. Pas de musique ajoutée. Ni d’effet de bruitage ou de mixage sonore remarquable.

Mais à l’écoute attentive de la bande son, on peut faire trois remarques.

D’abord la musique n’est pas totalement absente du film. Juste quelques discrètes notes de piano s’égrainent à la fin de la réunion avec les parents dans la séquence 15[1]. Cette musique sans doute ajoutée au montage, aussi discrète soit-elle, a une raison d’être. Prise en son extra-diégétique, elle peut souligner l’état de mélancolie de François, après ces entretiens où les grandes différences de niveaux sociaux de ses élèves éclatent au grand jour. Mais ce piano peut appartenir à la diégèse. Il provient peut-être de la salle de musique voisine dans laquelle l’enseignant peu sollicité par les parents, tâche de passer le temps sur son piano, comme cela arrive fréquemment dans les véritables réunions parents-professeurs. Cette musique, même discrète, est donc un effet de réel, au sens ou Roland Barthes l’entendait. Elle est un détail, à peine perceptible, mais étant évident, comme la présence du baromètre dans le salon de Madame Aubin dans Un cœur simple de Flaubert. Cette musique, pourtant unique dans le film, et de plus très discrète, ne produit pas de sens, ne joue pas de rôle particulier dans le récit, mais le récit l’accueille sans problème. La signification de cette insignifiance c’est de dénoter un réel concret. Notons que cette musique est reprise de manière plus appuyée, et dans une toute autre optique, dans la bande annonce du film. Dans la bande annonce, le piano constitue l’élément qui dit : « c’est une fiction. »

Ensuite il y a bien un montage sonore, lorsqu’on entend la voix off de Khoumba qui lit son texte sur le respect et fait le lien entre les séquences 13 et 14.

Enfin les bruitages du générique de fin.

L’immense majorité du son est constitué par le jaillissement de la parole, jaillissement d’autant plus énergique chez les élèves, que les corps sont contenus dans la contrainte de l’immobilité pendant les heures de classe. L’énergie du verbe est d’ailleurs mise en valeur par le dispositif filmique mis en place par Laurent Cantet.[2] Ce travail sur la langue des élèves était justement l’un des traits marquants du roman de François Bégaudeau, constitué de courtes sections essentiellement dialoguées.

Le langage est un médium essentiel de l’apprentissage, chaque séance étant basée sur un jeu de questions-réponses. Ensuite le langage est également vecteur de conflits entre les personnages. Enfin le langage est aussi un objet d’étude et de réflexion. Ce n’est pas par hasard qu’ELM se déroule dans un cours de français, c’est-à-dire précisément là où on étudie la langue et où on apprend à la maîtriser.

La séquence de l’imparfait du subjonctif (séquence 7) est à cet égard révélatrice.



[1] voir en annexe le découpage du film.

[2] Voir la description de ce dispositif filmique dans partie III. D.

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