mercredi 13 mai 2009

L’importance du hors-champs


Comme l’indique le titre du film Entre les murs, on ne sort jamais du collège. On ne voit jamais les élèves chez eux, ou les enseignants dans leurs vies privées. Pourtant la caméra, en se concentrant sur cet espace particulier qu’est le collège, parvient à traverser des questions qui concernent l’ensemble de la société. C’est comme si le microcosme du collège parvenait à représenter la société dans son ensemble avec ses contradictions, ses problèmes.
C’est que la classe mise en scène dans ELM, est particulièrement hétérogène, du point de vue ethnique, social, et scolaire. Le choix d’une telle classe n’est pas anodin, et aussi difficilement imaginable ailleurs que dans un collège d’un arrondissement périphérique de Paris. Les élèves de cette classe sont représentatifs d’une très grande partie de la population française. A chaque élève correspond une réalité quotidienne que l’on n’a pas de mal à s’imaginer, et que Cantet se garde bien de représenter.
Le hors-champ ne cesse d’être évoqué dans le son : les rendez-vous de Khoumba à la station Luxembourg, le shopping d’Esméralda aux galeries Lafayette, les invitations à manger par la mère de Rabah que Boubakar refuse, les heures que Wei passe sur son ordinateur,… Et la seule voix off du film - celle Khoumba qui lit son texte sur le respect et fait le lien entre les séquences 13 et 14 – fait aussi apparaître un hors-champ : Khoumba chez elle rédigeant son texte. Son environnement, son état d’esprit sous à ce moment du film sont sous entendus comme un hors-champ.
Le choix du huis clos, entre les murs d’un collège, et donc d’un champ très refermé ne supprime le hors-champ qu’en apparence et lui donne à sa manière une importance plus décisive encore. L’espace clos du collège renvoie à un autre ensemble plus vaste, la société, dont chaque personnage est le représentant d’un type particulier. Le hors-champ réalise sa principale fonction qui d’ajouter de l’espace à l’espace.
En outre le hors-champ ouvre l’image à l’imaginaire. Il propose à l’image une dimension supplémentaire, de l’esprit et du temps. Cette dimension est particulièrement perceptible dans les champs vides qui parsèment ELM. Dans ces cadres géométriques, soulignés par les lignes verticales et horizontales de fenêtres, portes, casiers, tableaux, le personnage n’est pas encore visible ou ne l’est plus. Il est momentanément dans une zone de vide proprement invisible. Ces champs vides sont des images mentales ouvertes sur un jeu de relations purement pensées qui tissent un tout. Elles instaurent un rapport virtuel avec le tout.

Fin séquence 10 : fenêtre de la salle des profs, après la sortie de Vincent
Elles sont des cadres dans le cadre, mais dont les bords ne sont pas dans le cadre. Elles contiennent en elles le projet de Cantet d’être au centre, loin des bords, au cœur de son sujet.
Souvent parties de portes ou de fenêtres, ces images sont des seuils, qui délimitent
l’espace et le temps où va se jouer (ou bien où vient de se jouer) la scène, tel au théâtre le rideau de scène. Elles rappellent que nous sommes dans un spectacle, que l’école est aussi une forme de spectacle où chacun a conscience de jouer un rôle.
Enfin ces images vides de personnages sont des images des limites de l’espace. Nous sommes effectivement enfermés entre les murs d’une classe, d’un collège. Il n’y a que très peu de possibilités de profondeur de champ.

fin séquence 12 : fenêtres cdi, après la sortie de François


milieu séquence 13 : casiers salle des profs, avant l’entrée de François


fin séquence 14 : porte de la classe après la sortie de Carl
début séquence 15 : tableau avant l’entrée des parents de Wei


fin séquence 20 : fenêtre de la classe après la sortie de Souleymane et François


fin séquence 23 : porte claquée et qui se rouvre après la sortie de Souleymane

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